Numéro 3. Les acrobates

L'Atelier intérieur s'ouvre au geste acrobatique. A des gestes qui font ouvrir les yeux. Qui nous font dire qu’à chaque pas, la vie est en jeu. Un homme marche et on a l’impression qu’il faut qu’on adapte notre respiration. Il avance sur un fil, et nous fait comprendre que notre façon de le regarder pourrait tout changer. C’est comme si pendant cet instant, rien qu’en regardant, on était responsable. Un homme peut tomber, il est sous notre regard. Et donc nous sommes liés. C’est comme un ralenti sur la vie, on se met à bouger en fonction de lui et c’est une image physique de ce que pourrait être l’impact d’une personne sur une autre. L’acrobate nous ouvre les yeux. On ignorait les prises, les points d’ancrage possibles, on pensait tomber mais voilà les nouveaux appuis. On le suit, on a le cœur dans son corps, le souffle sur sa peau. On attend. On espère. On croit en lui. L’image de départ ce soir serait celle-là : c’était un soir de juillet. On était à Avignon et pendant le festival, dans le spectacle de Jérôme Bel où des spectateurs évoquaient leurs images marquantes d’Avignon… certaines se mettaient à revivre. Comme celle-là : un homme, Le Menestrel, mains nues, s’attaque au mur de la Cour du Palais des Papes… il se colle à la pierre et monte. Attrape et monte. Evalue et monte. Danse presque. C’est comme si tout était soudain permis pour le corps, comme si, une fois trouvé la force qu’il fallait, on pouvait l’emmener n’importe où. Ce n’est qu’agréable, on se sent témoin d’un risque. Sans pouvoir agir si besoin. On est tous en suspens, et tous, on observe le vivant. Ce dont le vivant est capable. Et ce qui est stupéfiant c’est l’harmonie des gestes, le dessin d’une vie parfaitement menée. Alors je pense à tous les gestes de la journée. Se lever puis s’habiller puis décider. Qu’est ce qui, parfois, nous empêche, d’agir ou d’avancer ? On pourrait vivre en acrobate. Risquer sa journée. Choisir un autre chemin. Soudain. Dire je suis un homme qui marche , et chercher des témoins. Rendre responsables. On ne pourra pas dire qu’on n’a pas vu. Ce soir vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas entendu que l’on peut marcher autrement, que demain on peut se réveiller « acrobate », si on décide que rien n’est plus important que le mouvement. Les hommes peuvent tomber. Mais un homme a vu un homme qui a vu un homme qui a vu aussi. C’est une communauté de regards, qui nous met à l’abri. Qui fait que nous nous sommes vus, et que nous sommes liés. Impossible, donc, de, littéralement, se laisser tomber.

Le chemin ce soir part d’un toit et d’un corps qui s’y agrippe pour se rapprocher du geste et entrer sous la peau et dans le risque. Voilà face à moi ce soir, des hommes d’en haut :

Je voulais parler à cette image de l’été, et puisque je l’ai vu, en quelque sorte, on est liés : ** Antoine Le Ménestrel, ** grimpeur, pour l'image d'un soir de juillet, où il a grimpé à mains nues la Cour d’honneur du Palais des Papes.

**Chloé Moglia, ** trapéziste et acrobate, pour sa réflexion sur le risque, qui toujours questionne le danger et le risque et l’infiniment petit des gestes acrobatiques.

Olivier Meyrou et Matias Pilet . Pour le spectacle** Acrobates** à partir du 24 septembre au Théâtre Monfort, et le film d'Olivier Meyrou** Parade** , pour célébrer leur amitié avec l'acrobate Fabrice Champion, disparu il y a deux ans.

LIVE : JULIEN RIBOT et le projet CYCLOPS, avec Mathieu Geghre

Amélie Bonnin dessine la barre, le trapèze les jeté les porté, elle dessine en direct l’émission.