Colbert, Chateaubriand, Fautrier : dans le domaine de la Vallée-aux-loups, la nature et l’homme se répondent pour créer un récit au long cours, qui se confond avec le paysage.
Colbert acquiert les terres de la Vallée-aux-loups en 1683 pour en faire le réservoir d’eau de son château de Sceaux. Quelques siècles plus tard, une partie du parc devient le lieu d’exil de Chateaubriand : après avoir critiqué Napoléon 1er, il s’y installe et conçoit un jardin aux couleurs de ses voyages… Des cyprès de Grèce aux platanes de Louisiane, cet arrangement botanique reflète sa vie de voyageur et accompagne sa plongée dans l’écriture de ses Mémoires d’Outre-tombe.
Et puis il y a l’Île verte, petite enclave composée d’un jardin touffu, d’un étang et d’une île, surplombée par une maison dont les murs sont envahis par le lierre... Un havre de verdure et de soleil qui sera habité à partir de 1851 par Jules Barbier, grand librettiste du XIXème siècle, auteur d’une majeure partie des opéras de Gounod et notamment de Faust. On se plaira à imaginer le drame naître sous sa plume, au coeur de cette atmosphère si paisible …
Mais si Barbier y a imaginé des drames de théâtre, d’autres drames, bien réels, se sont déroulés autour de cette île. Abandonnée durant la Seconde Guerre mondiale, la maison devient une cache d’armes pour résistants et la demeure de Chateaubriand, transformée en clinique par le Docteur Le Savoureux, devient leur refuge.
Jean Fautrier, peintre majeur de l’art informel, y trouvera notamment asile pendant la guerre, après avoir échappé à la police allemande. Il y peindra en partie ses tableaux Otages, évocation des martyrs de la Seconde Guerre mondiale, essentiellement inspirés par les hommes et femmes que la Gestapo faisait fusiller au chemin de l’orme mort, à quelques pas de la maison de Chateaubriand.
Mais une fois la guerre finie, Jean Fautrier viendra cependant habiter cette même maison de l’Île Verte, ce lieu tout à la fois accueillant et hanté par le souvenir des atrocités… Il y sera peut-être inspiré justement par son ambivalence, par l’étrange écho entre son histoire et l’aspect broussailleux mais pourtant limpide de la végétation, par ce jardin qu'il contribuera à faire proliférer et qui ne répond pas à une pensée paysagiste ordonnée... Il y peindra de nombreuses toiles dont l’une, qu’il intitulera l’Île verte, représente le jardin, et donnera son nom à ce lieu.
Chateaubriand, Fautrier, deux hommes dont la pensée artistique semble s’être établie en reflet des jardins qu’ils se sont créés... Peut-être ces hommes, dont la vie aura croisé le tumulte et la violence de l’histoire, étaient-ils parvenus à trouver ici un lieu propice au travail de la création, modelant la végétation à l’image de leurs souvenirs ?
Dernière étape de notre promenade dans la Vallée-aux-Loups, les plantations de l’Arboretum. Créé au XVIIIème siècle, elles surplombent le domaine : les arbres rares et centenaires qui le peuplent rappellent le temps long, comme le fameux Cèdre bleu pleureur, l’un des plus vieux de l’Arboretum, à la ramure ample et majestueuse qui couvre plusieurs centaines de mètres…
La Vallée-aux-loups se lit comme une arborescence de l’histoire où, strates sur strates, elle se laisse apercevoir par fragments, derrière l’apparente tranquillité du domaine. Chateaubriand y écrira d’ailleurs à propos de la chute de Napoléon :
"Avez-vous entendu tomber l’Empire ? Non ; rien n’a troublé le repos de ces lieux."
Musique diffusée : Rien ! En vain, j'interroge ... Acte I de Faust, de Charles Gounod
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