La hêtraie du Ciron, vieille de plus de 40 000 ans, est un cas unique d'adaptation d'une essence d'arbre à des changements climatiques drastiques. Elle abrite une faune exceptionnellement diversifiée.
La hêtraie du Ciron a traversé la dernière période de glaciation, il y a 18 000 ans, elle est plus ancienne que la grotte de Lascaux, les hommes de Néandertal auraient pu l’habiter et les mammouths la côtoyer …
Il faut voir cette forêt de hêtres qui s’est constituée sur les bords de la rivière du Ciron. Les arbres suivent le cours d’eau, les cimes se courbent autour de la rivière, pour se rejoindre et former un dôme de verdure, un enclos mystérieux …
Mais outre cette vision enchanteresse et son ancienneté, la hêtraie est intrigante pour d’autres raisons. Seul cas connu d’une forêt établie aussi près d’une rivière, elle est aussi le seul site mondial qu’une espèce, en l'occurence les hêtres, a choisi comme refuge glaciaire puis postglaciaire.
La présence de cette essence d’arbre ajoute encore une couche de mystère. Le climat propice aux hêtres, habituellement, est celui des montagnes. Surtout, ils ne tolèrent pas l’excès d’eau ! Or dans cette vallée, ils ont les pieds, ou plutôt les racines, dans l’eau.
Suffisamment d’éléments pour susciter la curiosité scientifique d’Alexis Ducousso, ingénieur de recherche, généticien spécialiste de la gestion et de la conservation de la diversité génétique des hêtres et des chênes. Il nous raconte l’une des raisons qui permettent de comprendre l’implantation des hêtres, aujourd’hui, dans cette vallée.
Un micro-climat tout à fait étonnant qui donne lieu à des différences allant jusqu’à 7 degrés sur quelques centaines de mètres, mais aussi des hêtres aux patrimoines génétiques particuliers, ce qui pourrait également expliquer leur capacité d’adaptation.
Cependant il n’y a pas que les hêtres qui sont particuliers dans cette vallée : on y rencontrera aussi des pins qui côtoient des bouleaux, une alliance qu’on ne trouve aujourd’hui qu'en Laponie.
Malheureusement, depuis les années 90, la forêt s’est considérablement rétrécie, mettant en péril ses spécificités. Sa superficie est passée d’environ 30km2 à 4,5km2. En cause : l’urbanisation, mais aussi les espèces invasives comme le robinier, importé d’Amérique du Nord pour soutenir les vignes, qui vient perturber l’équilibre fragile de la hêtraie.
Arpenter cette vallée équivaut à un grand voyage dans l’Europe, sur quelques kilomètres carrés. C’est aussi le refuge d’une faune devenue rare en Europe, qui lui vaut le surnom d’Arche de Noé de la diversité : on pourra y croiser des loutres, des visons d’Europe, ou encore des écrevisses à pattes blanches !
Ce fragile écosystème est aujourd’hui menacé par le réchauffement climatique ; parviendrait-il à survivre à un nouveau changement drastique de climat ? La question obsède les scientifiques, qui craignent la disparition d’une rareté dans le monde biologique.
Mais la hêtraie pourrait aussi parvenir à survivre, comme elle l’a fait par le passé ; elle pourrait alors, au contraire, nous donner des clés pour apprendre à protéger les forêts du futur.
Invité : Alexis Ducousso, ingénieur de recherche, généticien spécialiste de la gestion et de la conservation de la diversité génétique des hêtres et des chênes
L'équipe
- Production
- Autre