Dans la plaine du Loiret, une étrange construction en béton se dresse depuis les années 70 ... C'est la rampe de l'aérotrain, un moyen de transport imaginé par l'ingénieur Jean Bertin.
Si vous prenez la ligne de train Paris-Orléans vous pourrez apercevoir sur votre gauche, quand vous traverserez le Loiret, une étrange construction de béton : un T renversé, porté par de hauts piliers, qui file droit dans la plaine sur dix-huit kilomètres ... Etrange vision, ruine moderne plantée au milieu des champs et des bois, sans départ ni arrivée, c’est le monument d’un rêve technologique oublié, d’un rêve qui touchait à la science-fiction quand il fut imaginé.
A la toute fin des années 60 l’ingénieur Jean Bertin, déjà connu pour avoir inventé l’inverseur de poussée qui équipe la plupart des réacteurs d’avion, imagine le train du futur : Il l’appellera l’Aérotrain.
Entre train et avion, ce nouveau moyen de transport avait pour ambition de supplanter l'avion sur les distances moyennes, reliant par exemple Orléans et Paris en une vingtaine de minutes, grâce à une technologie particulièrement innovante : propulsé par une hélice, l’Aérotrain s’élançait le long de la piste en béton construite spécialement pour lui, puis glissait tout le long du trajet sur un coussin d’air, qui lui donnait l’apparence d’un train volant et lui permettait d’atteindre des pics de vitesse que le TGV n’atteindra pas avant les années 90.
L’étrange piste qu’on voit aujourd’hui, carcasse nue et pourtant belle, construite sur le modèle d’un viaduc, est la rampe qui servit aux essais des prototypes de l’aérotrain. Une piste certes futuriste mais pour autant ancrée dans son époque par le recours au béton, matériau emblématique des années 70 !
Le projet suscitera l’enthousiasme non seulement des élus de la région, du maire de Los Angeles, mais aussi du Président Pompidou : un premier contrat sera signé en vue de la construction d’une ligne commerciale entre La Défense et Cergy ... Mais alors, pourquoi le projet sera-t-il abandonné ?
Diverses raisons se mêlent les unes aux autres, qui expliquent la préférence finale pour le TGV, développé en parallèle par la SNCF ; d’abord, la mort de Pompidou et la reprise du dossier par Valéry Giscard d’Estaing, qui aurait été peu enclin à continuer le projet mis en place par son prédécesseur ; le choc pétrolier de 1973, qui fera craindre pour la pérennité de l’Aérotrain, à propulsion thermique, et surtout le fait que le TGV, alimenté à l’électricité, puisse, à moindre vitesse mais à moindre frais, utiliser le tracé ferroviaire déjà existant ...
Une science-fiction du passé donc, qui trône encore aujourd’hui dans notre paysage. Son architecture fuselée évoque un rêve de vitesse, et sorti de tout contexte, métamorphosé en pure œuvre d'art, ce rail résonne comme le vague rappel d’une prouesse technologique peut-être trop vite enterrée.
La trace de ce rêve technologique, aujourd’hui labellisé « patrimoine du XXème siècle », fut un temps en péril car les piliers de béton et le monorail étaient envahis en certains endroits par la végétation, et faisaient craindre pour sa stabilité. Une vaste rénovation fut entreprise l’été dernier, démontrant l’attachement à préserver cet étrange objet ...
Mais, au delà du patrimoine, ce rêve oublié pourrait redevenir celui du futur : une entreprise pense à exploiter la rampe pour tester le prototype d’un nouveau moyen de transport, conçu dans la continuité de l’Aérotrain, tout en le modernisant : un train volant qui pourrait aujourd’hui atteindre jusqu’à 500 km à l’heure...
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