Ce que l’affaire Polanski dit de l’ère MeToo / Ce que le 49.3 dit de l’ère Macron / Ce que la crise migratoire dit de l’ère Erdogan-Poutine

Adèle Haenel lors de la 45e cérémonie des César / Des migrants patientent à la frontière grecque (5 mars 2020) / Edouard Philippe après avoir annoncé le 49.3
Adèle Haenel lors de la 45e cérémonie des César / Des migrants patientent à la frontière grecque (5 mars 2020) / Edouard Philippe après avoir annoncé le 49.3  ©AFP - Bertrand Guay / Bulent Kilic / Ludovic Marin
Adèle Haenel lors de la 45e cérémonie des César / Des migrants patientent à la frontière grecque (5 mars 2020) / Edouard Philippe après avoir annoncé le 49.3 ©AFP - Bertrand Guay / Bulent Kilic / Ludovic Marin
Adèle Haenel lors de la 45e cérémonie des César / Des migrants patientent à la frontière grecque (5 mars 2020) / Edouard Philippe après avoir annoncé le 49.3 ©AFP - Bertrand Guay / Bulent Kilic / Ludovic Marin
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Avec l’ancienne ministre de la Culture Aurélie Filippetti, les journalistes Sylvie Kauffmann et Christine Ockrent, la philosophe Monique Canto-Sperber et la sociologue Dominique Schnapper.

Avec
  • Aurélie Filippetti Femme politique, romancière, ancienne ministre de la Culture dans les gouvernements Ayrault puis Valls
  • Sylvie Kauffmann Directrice éditoriale au journal Le Monde. Spécialiste notamment des questions internationales.
  • Dominique Schnapper sociologue et politologue, directrice d'étude à l'EHESS
  • Monique Canto-Sperber Philosophe, directrice de recherche au CNRS, ancienne directrice de l’ENS et ancienne présidente de l'université Paris sciences et lettres (PSL), auteure de plusieurs ouvrages de philosophie antique et philosophie morale contemporaine
  • Christine Ockrent Journaliste et productrice de l'émission "Affaires étrangères" sur France Culture

Première partie : Ce que l’affaire Polanski dit de l’ère MeToo

Après la Cérémonie des César, pas beaucoup de place pour les sentiments mêlés, la nuance, voire l’ambivalence cette semaine. Et totalement insuffisant de se contenter de citer Proust dans le Contre Ste Beuve qui n’aimait guère que l’on s’en réfère à la vie personnelle d’un artiste pour juger de son œuvre. Il était dit cette semaine que l’Affaire des Césars et de Polanski allaient réveiller la dynamique Me Too, et la révolte de celles et ceux qui ne veulent plus donner dans le compromis et la tempérance face à l’insupportable banalité du corps féminin violenté.

Aucune tempérance lundi avec le texte de Virginie Despentes : "désormais on se lève et on se barre". Dans les colonnes de Libération, une tribune bouillante dénonçant l’attribution d’un César à Roman Polanski, le recours du gouvernement à l’article 49.3 pour faire passer sa réforme des retraites comme relevant d’un même phénomène social : la violence de classe, dominés contre dominants.

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Cette même semaine, jeudi, dans un texte intitulé "Meuf tu délires", Natacha Polony, directrice de Marianne prenait à son tour la plume pour fustiger le "lyrisme gueulard" de Despentes et cette "bouillie d’imprécations, de 49.3 et de sociologie de bazar, Polony ironisant sur le monde du cinéma, 'une intelligentsia culturelle', qui permet à ceux qui en font partie de se donner un beau rôle."

Se donner le beau rôle… Était-il vraiment juste de la part de Natacha Polony de résumer tout cela à une affaire de rôles ? Et si ce n’était pas exactement le contraire ? Pas une affaire de postures mais plutôt un sujet "tripal", qui atteignait au contraire beaucoup trop les affects de celles et ceux qui choisissaient de s’exprimer, au point d’ouvrir les vannes de ce qui était par ailleurs une tendance d’époque : l’expression publique des émotions, et donc, fatalement, l’absence de nuances.

Deuxième partie : Ce que le 49.3 dit de l’ère Macron

Episode 1 : mardi soir, l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution, pour faire adopter en première lecture "le projet de loi ordinaire", qui compose l'un des deux volets de la réforme des retraites. Episode 2 : jeudi, le second volet de la réforme, "le projet de loi organique", a été à son tour adopté mais cette fois après un vote des députés, et donc sans recours au 49.3. Un texte qui dispose notamment que chaque année, "les lois de financement de la Sécurité sociale" devront présenter "une trajectoire financière de la branche retraite à l'équilibre pour les cinq années suivantes".

Comme chaque fois qu’un premier ministre décide la mise en œuvre de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, l’opposition a dénoncé un "acte de brutalité" et un "déni du Parlement". Faisant mine d’oublier que chaque majorité y a toujours eu recours depuis Michel Debré, qui l’avait inscrit dans la constitution de la Ve pour éviter l’instabilité des précédentes républiques, la IIIe et la IVe. Pas de quoi crier donc à une dérive autoritaire spécifique au macronisme, mais l’occasion malgré tout de regretter un débat politique qui de fait n’aurait pas lieu, sur une réforme majeure, dans un climat de tensions et de fragmentations du pays particulièrement préoccupant. Un pays, la France, sondé par le dernier baromètre de la confiance du Cevipof, lequel révélait que lorsqu’on demande aux Français ce que leur inspire la politique, ils disent éprouver à 37 % de la méfiance, à 27 % du dégoût… à 3 % du respect et à 1 % seulement : de l’enthousiasme.

Troisième partie : Ce que la crise migratoire dit de l’ère Erdogan-Poutine

Changeons d’échelle, Quittons la France. Tandis que nous débattons de l’Affaire Polanski, du Coronavirus et du 49.3, la guerre en Syrie se poursuit, dans la région d’Idleb, avec des conséquences dramatiques sur les réfugiés, obligés de se déplacer pour fuir les combats qui opposent la Turquie d’Erdogan à la Syrie de Bachar, soutenue par la Russie de Poutine. La Turquie qui a ouvert ses frontières avec la Grèce, utilisant une nouvelle fois l’arme migratoire comme moyen de pression sur l’Union européenne. Laquelle révèle une nouvelle fois son impuissance. Un cas d’école du nouveau monde.

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