Les maux de la justice : comment renouer le lien entre la justice et les citoyens ?

Les états généraux de la justice
Les états généraux de la justice ©AFP - JOEL SAGET / AFP
Les états généraux de la justice ©AFP - JOEL SAGET / AFP
Les états généraux de la justice ©AFP - JOEL SAGET / AFP
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Lundi 18 octobre, Emmanuel Macron a lancé les Etats généraux de la justice, 120 jours de consultation citoyenne et de débats. Le président de la République a appelé à "renouer le lien entre la justice et ceux au nom de qui elle est rendue".

Avec
  • Dominique Schnapper Sociologue et politologue, directrice d'étude à l'EHESS
  • Frédéric Worms Professeur de philosophie contemporaine, directeur de l’Ecole Normale Supérieure, philosophe spécialiste de philosophie contemporaine, producteur à France Culture
  • Sylvie Kauffmann éditorialiste au journal « le monde », spécialiste notamment des questions internationales.
  • Julia Cagé Économiste, spécialiste de l’économie des médias

Selon un sondage CSA publié fin septembre, le regard des Français sur la justice est sans appel : 93 % la trouve lente, 69 % opaque, 68 % laxiste, 67 % qu’elle est éloignée d’eux. Comment faire pour que les Français retrouvent confiance en la justice ?

Le bilan du quinquennat d'Emmanuel Macron sur la justice 

En 2016, Jean-Jacques Urvoas parlait d'une clochardisation de la justice. Le président de la République aura mis en place de nombreuses réformes pour tenter de la moderniser. Sous son quinquennat, trois ministres de la justice se sont succédés : François Bayrou, Nicole Belloubet et Eric Dupond-Moretti. Depuis 2017, Emmanuel Macron a également augmenté le budget de la justice de 33 %, de 8 % pour l’exercice 2022, et surtout 650 postes de magistrats ont été créés, alors que, sous Nicolas Sarkozy, 120 postes avaient été supprimés et, sous François Hollande, seulement 27 créés. 

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Pour mettre en œuvre sa réforme de la justice, le gouvernement a prévu d’augmenter le budget alloué à ce portefeuilles de 1,3 milliard d’euros. Il devrait ainsi passer à 8,3 milliards d’ici à 2022. Ces moyens supplémentaires doivent permettre la création de 6 500 emplois en 5 ans. Néanmoins, la justice – souvent qualifiée de “parent pauvre du budget français” – ne représente toujours que 3% du budget de l’Etat.

Les différents plans autour de la justice 

Plusieurs lois ont été votées en 5 ans : 

  • La loi de programmation de 2019

Elle promet une transformation numérique, une amélioration et une simplification de la procédure civile et pénale, un allègement de la charge des juridictions administratives, une diversification du mode de prise en charge des mineurs délinquants... 

  • La réforme de la justice des mineurs de février 2021

Elle a pour principales mesures une procédure pénale en deux temps, un délai de jugement raccourci, une mesure éducative judiciaire unique et la présomption de non-discernement pour les moins de 13 ans. 

  • Le projet de loi "pour la confiance en l’institution judiciaire" d'octobre 2021

Il propose de filmer les audiences, la création d'un contrat d'emploi pénitentiaire, le renforcement de la déontologie et de la discipline des professions de droit, des mesures liées aux revendications des policiers, la répression de la violation du secret de l'instruction, la protection du secret de l'avocat, la limitation de la détention provisoire, la généralisation des cours criminelles, une réforme du régime de réduction des peines, l'encadrement des enquêtes préliminaires.

Les Etats généraux de la justice 

Malgré toutes ces réformes, les Français ne semblent pas satisfaits de leur justice et ne lui font plus confiance. Le 4 juin, François Molins, procureur général de la Cour de cassation, et Chantal Arens, première présidente de cette même Cour, les deux plus hauts magistrats de France, tiraient le signal d’alarme auprès du président de la République "face aux mises en cause systématiques de la justice" et réclamaient la mise en place d’états généraux pour restaurer cette confiance. Le malaise des juges a été exacerbé à la suite d’une grande manifestation, le 19 mai, de dizaines de milliers de policiers devant l’Assemblée nationale, en présence notamment du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin et de nombreux élus. Ils réclamaient plus de moyens et de sévérité contre leurs agresseurs. Un malaise des magistrats qui survient en pleine tension entre une partie de la magistrature et le garde des sceaux, mis en examen en juillet pour "prise illégale d'intérêts". Il est soupçonné d’avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats avec qui il était en conflit lorsqu’il était avocat.  

Pour renouer le lien entre la justice et les citoyens, Emmanuel Macron a lancé ce lundi 18 octobre, les Etats généraux de la justice. 120 jours de consultation citoyenne et de débats au travers d'une plateforme en ligne, parlonsjustice.fr . Jean-Marc Sauvé présidera la commission qui sera chargée de recueillir toutes les propositions. Parmi les questions posées : L'indépendance du parquet, la suppression de la Cour de justice de la République, l'inflation judiciaire. Au cœur du débat, les poursuites judiciaires contre des ministres dans le cadre de la crise du Covid. Agnès Buzyn, ancienne ministre de la santé avait été mise en examen pour "mise en danger de la vie d'autrui" dans le cadre de sa gestion de la crise et une perquisition au domicile d'Olivier Véran et d'Edouard Philippe ont eu lieu. 

Face à des policiers et des magistrats qui se sentent incompris, face à des citoyens qui n'ont plus confiance en la justice, comment faire pour renouer le lien ? Quelle place pour la justice dans notre société ? 

Journal de 12h30
14 min

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