Entre raison et sentiment, c’est une nouvelle équation pour l’exécutif, différent des précédents confinements : jusqu’ici il fallait arbitrer entre impératif hospitalier et état de l’économie. Désormais il faut aussi faire avec cette « usure de l’âme » dont parle le neuropsychiatre Boris Cyrulnik.
- Thomas Gomart Historien des relations internationales, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
- Aurélie Filippetti Femme politique, romancière, ancienne ministre de la Culture dans les gouvernements Ayrault puis Valls
- Sylvie Kauffmann Directrice éditoriale au journal Le Monde. Spécialiste notamment des questions internationales.
- Plantu Dessinateur de presse et caricaturiste
Cette semaine l’un de vos dessins Plantu montrait un Emmanuel Macron seul dans la cour de l’Elysée vu du ciel, flanqué de ses grands murs qui l’isolent. A l’extérieur, dans les rues, des Français masqués qui entendent soudain à travers les murs, le président hurler : « mais est ce que quelqu’un pourrait me dire ce que je dois faire » ?
Finalement le président aura choisi de ne rien faire ou beaucoup moins qu’escompté :
Pas d’écoles fermées, pas de rideaux baissés sur les commerces, sauf pour les centres commerciaux, alimentaires de plus de 20 000 mètres carré.
Nous redoutions tant ce troisième confinement que nous ne commentons guère une autre décision qui, il y a encore un an nous aurait pourtant semblé totalement historique, extra-ordinaire, liberticide : la France ferme aujourd’hui ses frontières aux pays extérieurs à l’Union européenne et l’entrée en France depuis un pays de l’union sera conditionnées à la présentation d’un test PCR négatif.
Encore une leçon d’humilité cette semaine pour nous autres journalistes, experts et autres commentateurs : le Covid et ceux qui gouvernent au temps du Covid sont pareillement imprévisibles : ainsi alors même que Gabriel Attal le porte parole du gouvernement faisait passer le message d’un confinement très serré et de vacances scolaires prolongées, tandis que le premier ministre lui-même annonçait un débat au parlement pour valider le principe d’un reconfinement, la décision présidentielle aura désemparé autant que soulagé les Français ; à l’exception de ces scientifiques qui rappellent que la France se trouve dans la situation où se trouvaient les Anglais à la fin du mois de novembre avec 10% de variant parmi les cas positifs, lesquels Anglais avaient deux semaines plus tard deux fois plus de cas, avec 50% de variants, ce qui en France pourrait nous faire passer de 20 000 à 40 000 cas par jour, et la menace d’une pression hospitalière de nouveau limite.
Drôle de pari donc que ce sursis octroyé par le chef de l’Etat, lequel s’appuie sur une équation de plus en plus complexe à résoudre : la situation sanitaire et économique mais aussi cette usure de l’âme propre au confinement et dont parlait cette semaine si bien le neuropsychiatre Boris Cyrulnik : ainsi, d’après Santé publique France : 23% des Français déclareraient en ce moment un état dépressif.
Les émeutes anti couvre-feu aux Pays Bas auraient semble-t-il vivement marqué le président français.
Nous voici donc à l’heure du sursis, entre deux eaux, au purgatoire, oscillant entre plusieurs états, le soulagement et l’anxiété de ce qui pourrait ensuite venir, aussi peu rassurés ou assurés que Jean Castex lors de son intervention vendredi soir…
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