Face aux crimes de masses perpétrés par la Russie, comment arrêter Vladimir Poutine ?

Des bâtiments détruits à Borodianka, en Ukraine
Des bâtiments détruits à Borodianka, en Ukraine ©AFP
Des bâtiments détruits à Borodianka, en Ukraine ©AFP
Des bâtiments détruits à Borodianka, en Ukraine ©AFP
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En réaction aux terribles massacres de Boutcha, les Occidentaux ont pris de nouvelles sanctions contre Moscou. Jeudi, la Russie perdait son siège au conseil des droits de l'homme à l'ONU. Mais comment arrêter ces massacres ? Jusqu'où ira Vladimir Poutine ?

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Plus d'un mois après le lancement de l'invasion russe, les localités d'"Irpin, Boutcha, Gostomel et toute la région de Kiev ont été libérées de l'envahisseur", a affirmé samedi Ganna Maliar. Toute la côte orientale du pays, de la Crimée (annexée par Moscou en 2014), jusqu'aux républiques séparatistes prorusses de Donetsk et de Lougansk dans la région du Donbass, est occupée par les forces russes, à l'exception d'une partie de la ville de Marioupol, où elles se heurtent toujours à la résistance de l'armée ukrainienne.  Port stratégique du Sud-Est du pays, sur la mer d'Azov, Marioupol reste assiégé et pilonné sans relâche. Au moins 5.000 personnes ont péri et 160.000 civils seraient toujours bloqués, selon des sources ukrainiennes.

Des massacres de civils

Samedi, l'Occident découvrait les premières images de centaines de corps gisant dans les rues de Boutcha, ou enterrés dans des fosses communes. "Coup de poing dans l'estomac" pour Anthony Blinken, "génocide" pour le président ukrainien, ces images sont insoutenables. Mardi, Boris Johnson s'adressait directement aux Russes, en leur disant qu’ils méritent de connaître la "vérité" sur les atrocités commises en Ukraine après l’invasion russe. Des atrocités que la Russie réfute, accusant Kiev de coup monté. Les images de morts diffusées à la télévision ukrainienne et sur les réseaux sociaux ne seraient, selon elle, que le résultat d’une "mise en scène" orchestrée par les autorités ukrainiennes. Dimanche, l'organisation Human Rights Watch a également dénoncé des exactions de militaires russes contre des civils assimilables à des "c_rimes de guerre"_ dans la région de Tchernihiv. Vendredi, pas moins de 50 personnes, dont cinq enfants, ont été tuées dans une frappe de missile sur la gare de Kramatorsk. Jean-Yves Le Drian a estimé que "les Russes tapent la gare sur des réfugiés, donc sur des civils donc ça répond aux crimes contre l’humanité."

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Des populations déplacées

Aucun bilan précis et récent des victimes civiles n'est disponible mais il atteint à l'évidence plusieurs milliers. Sur le plan militaire, les fourchettes sont extrêmement larges. La Russie a reconnu la semaine passée la mort de 1.351 soldats pour 3.825 blessés. Les sources occidentales parlent à l'unisson de plusieurs milliers de morts côté russe, Kiev allant même jusqu'à 12.000. Côté ukrainien, le président Volodymyr Zelensky a évoqué le 12 mars "environ 1.300" militaires tués. Le conflit a déjà contraint plus de 4,1 millions d'Ukrainiens à fuir leur pays, selon l'ONU. Au total, plus de dix millions de personnes, soit plus d'un quart de la population, ont dû quitter leur foyer soit en traversant la frontière pour se réfugier dans les pays limitrophes, soit en trouvant refuge ailleurs en Ukraine.  L'ONU estime à près de 6,5 millions le nombre de déplacés à l'intérieur du pays. Selon l’Organisation des Nations unies, 74 pays en en développement, touchant au total 1,2 milliard de personnes, sont affectés par la guerre en Ukraine. Ces personnes "sont particulièrement vulnérables à la flambée des prix des aliments, de l’énergie et des engrais", a affirmé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

L'Occident multiplie les sanctions économiques

L’Union européenne a finalement décidé jeudi soir d’arrêter dès le mois d’août ses achats de charbon russe. Autre décision symbolique : la suspension du gazoduc Nord Stream 2, qui devait permettre d’augmenter les livraisons de gaz russe vers l’Allemagne. Les représentants des Vingt-Sept ont décidé également la fermeture des ports européens aux navires russes. L'UE est prête parallèlement à débloquer 500 millions d'euros de plus pour financer des armes pour l'Ukraine, a annoncé le président du Conseil européen Charles Michel. Ce paquet "très substantiel" prévoit l'interdiction d'exportations vers la Russie, notamment de biens de haut technologie, à hauteur de 10 milliards d'euros, de nouvelles sanctions contre des banques russes, selon la même source. La liste des produits russes interdits d'importation dans l'UE est également élargie à certaines "matières premières et matériaux critiques" pour une valeur estimée de 5,5 milliards d'euros par an, afin de stopper le financement de l'effort de guerre de Moscou. L'UE renforce aussi l'embargo sur les armes qui avait été décidé en 2014 après l'annexion de la Crimée.

De leur côté les pays du G7 ont annoncé de nouvelles sanctions économiques à l'encontre de la Russie, dont une interdiction de tout nouvel investissement dans des secteurs clefs en réaction à "la poursuite de l'escalade de la guerre" en Ukraine. Et par un vote au Congrès, les Etats-Unis ont officiellement révoqué jeudi le statut commercial de la Russie et du Belarus, ouvrant la voie à des droits de douane punitifs.

Ces nouvelles sanctions interviennent alors que l'assemblée générale des Nations unies, qui rassemble tous les pays membres et au sein de laquelle il n'y a pas de droit de veto, a adopté dans la journée la suspension de la Russie du Conseil des droits de l'Homme, la deuxième dans l'histoire de l'ONU après l'éviction de la Libye en 2011.

Jusqu'à présent, les sanctions avaient principalement ciblé des entreprises, des banques, des hauts responsables, des parlementaires de la Douma, des oligarques russes. Aussi, les exportations de biens vers la Russie étaient interdites. La Banque centrale russe a également vu ses avoirs étrangers (environ 300 milliards de dollars) gelés. A cela s'ajoute des centaines de marques et enseignes occidentales qui ont décidé de baisser le rideau ou de cesser tout échange avec le pays belligérant.  De nombreuses banques russes avaient été exclues du système bancaire Swift. Lundi, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement a annoncé "suspendre avec effet immédiat" l'accès de la Russie et du Bélarus à ses financements et à son expertise. Mais si le rouble s'est effondré de près de 30% depuis le début de l'année, la politique de Vladimir Poutine, de privilégier les paiements et les achats en roubles, permet encore de maintenir la devise nationale sous perfusion.

Des armes, des armes, des armes

"Je suis venu avec trois demandes, a déclaré jeudi le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba à son arrivée à l’Otan à Bruxelles : des armes, des armes et des armes". Au 45ème jour de guerre, et alors que les Ukrainiens s’apprêtent à entrer dans une phase décisive de la guerre avec la concentration des forces russes sur le Donbass, Zelensky sait qu'il a besoin d'armes pour tenir tête à l'armée russe. Les pays occidentaux ont déjà livré à l’Ukraine des quantités importantes d’armes dites "défensives". Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a proposé d'augmenter de 500 millions d'euros le financement pour fournir des armes à l'Ukraine, a annoncé jeudi le président du Conseil européen Charles Michel, exprimant son "soutien" à cette initiative.

"Une fois rapidement approuvée (par les États membres), cette proposition portera à 1,5 milliard d'euros l'aide de l'UE fournie à l'Ukraine pour du matériel militaire", a tweeté le responsable, à la tête de l'institution regroupant les dirigeants des 27 pays de l'UE.

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