L'Esprit Public ce dimanche avec l'ancienne Ministre de la culture Aurélie Filippetti, la journaliste Christine Ockrent, l'éditorialiste au Monde Gérard Courtois et l'essayiste Philippe Manière.
- Philippe Manière Président et co-fondateur de la société de conseil Vae Solis Communications
- Gérard Courtois Journaliste, ancien chroniqueur au quotidien Le Monde
- Aurélie Filippetti Femme politique, romancière, ancienne ministre de la Culture dans les gouvernements Ayrault puis Valls
- Christine Ockrent Journaliste et productrice de l'émission "Affaires étrangères" sur France Culture
Première partie : Infox. Pacte de Marrakech / Traité d'Aix la Chapelle : la saison des mensonges ?
Comment en était-on arrivé à ce qu’un traité franco-allemand destiné à raviver un pacte d’amitié entre deux dirigeants en détresse, Macron/Merkel, déclenche un tel niveau de « n’importe quoi » ? « La France allait vendre l’Alsace Lorraine à l’Allemagne », et « partager avec elle son siège au Conseil de sécurité de l’ONU ». Le retour d’une bonne vieille germanophobie à la française !
En réalité, le traité d’Aix La Chapelle ne faisait que rappeler l’importance de la coopération transfrontalière et invitait Français et Allemands à coopérer également à l’ONU, Paris réaffirmant son souhait de voir Berlin intégrer le Conseil de sécurité en tant que nouveau membre permanent.
Voilà qui rappelait l’autre rumeur virale aberrante de la fin 2018, autour du Traité de Marrakech, accusé de déclencher une « invasion migratoire », alors même que ce traité, bien au contraire, rappelait le principe de souveraineté et l’appel à la fermeté des états en matière d’immigration.
Beaucoup déjà avait été dit sur la façon dont le numérique amplifiait les phénomènes ancestraux de rumeurs et de complots, dès lors que 40% de la population mondiale était sur Facebook, Twitter ou Instagram, et dès lors que le principe des algorithmes pouvait enfermer les utilisateurs dans des bulles de vérités alternatives. Mais il y avait encore beaucoup à dire, à comprendre et à alerter, sur le fait que les époques instables comme celles que nous vivions, ces époques de « crises identitaires », étaient propices aux infox, des époques dont la philosophe Myriam Revault d’Alonne disait qu’elles « semblaient dissoudre la frontière entre vérité et mensonge pour créer une sorte de zone grise où la vérité devenait secondaire » : un monde qui n’était plus fait QUE d’opinions, un monde où les médias –comme les politiques- n’avaient jamais autant suscité la défiance, un monde où des politiques n’hésitaient pas à entretenir eux même la confusion, un monde où des influences étrangères pouvaient aussi rentrer dans le grand jeu de l’infox, un monde enfin où la démocratie était en danger dès lors qu’il n’y avait plus ce socle minimal de vérités intouchables dont nous avions viscéralement besoin, pour vivre ensemble.
Deuxième partie : Economie : la France est-elle une bonne affaire ?
Choose France ! C’était beau comme un slogan d’agence de voyage ! « Choisis la France », c’était le nom de cette opération lancée par le président français, qui, pour la deuxième année consécutive, sur le chemin du forum économique de Davos, invitait les dirigeants des plus grands groupes du monde entier à faire étape au château de Versailles pour leur chanter les vertus de la France comme terre d’investissements ! Cruauté du temps qui passe et du kaléidoscope d’un quinquennat : on avait en tête les images de Versailles l’an dernier, sur le thème « France is back », Carlos Ghosn et autres grands patrons ravis de s’afficher aux côtés d’un jeune président français à qui tout semblait sourire, dont on vantait le réformisme et le leadership facile !
Rideau sur la success story macronienne, ellipse temporelle. Un an après, le président Macron devait tenter d’estomper les images d’une France où chaque samedi des milliers de personnes descendaient dans les rues pour réclamer sa démission, et ces images qui avaient fait le tour du monde d’arc de triomphe tagué et de voitures brûlées. Alors le président s’évertuait à dire qu’il ne lâchait rien sur son programme de réformes, qu’il ne changerait pas d’avis sur l’ISF ni sur la flat tax sur les revenus du capital. Rassuré par différentes études qui indiquaient que l’attractivité de la France restait forte, le cabinet Kantar par exemple indiquant que l’hexagone maintenait son rang de deuxième pays le plus attractif d’Europe, derrière l’Allemagne, comme l’automne dernier.
En attendant, on ne savait plus très bien comment « considérer » la France, ce pays dont l’OCDE nous rappelait cette semaine qu’il restait numéro un des dépenses sociales alors même qu’on entendait parler depuis 11 semaines de modèle en péril, de services sociaux et de services publics défaillants. Cette France dont l’exécutif nous promettait qu’elle était en train de reprendre des couleurs, remontée du pouvoir d’achat, regain de créations d’emplois même si on savait que les plans sociaux et la désindustrialisation des territoires se poursuivait, le constructeur américain Ford par exemple allait fermer son site de Gironde, menaçant des milliers d’emplois, ce qui serait une catastrophe pour toute l’économie de la ville de Blanquefort.
Pendant ce temps, à Davos, l’air était lourd pour les Occidentaux, sur fond de Brexit et de Shut Down américain. La Chine avait champ libre… Mais on entendait aussi Klaus Schwab, le fondateur du forum économique de Davos appelant comme il l’avait déjà fait à la remoralisation de la mondialisation, un appel qui sonnait différemment des années précédentes… comme le sentiment d’une urgence.
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