L'élection de mai 1974, avec Jean-Claude Casanova

France Culture
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  • Jean-Claude Casanova Agrégé des facultés de droit et de sciences économiques, docteur en sciences économiques, cofondateur et directeur depuis 1978 de la revue Commentaire

L'élection de mai 1974, avec Jean-Claude Casanova

Jean-Claude Casanova, vous êtes économiste et avez enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris. Vous co-dirigez cette institution depuis 2007 en tant que président de la Fondation nationale des sciences politiques. Vous avez fondé en 1978 avec Raymond Aron la revue « Commentaire » dont vous êtes le directeur. Vous avez aussi été, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, l’un des proches conseillers de Raymond Barre à Matignon, de 1976 à 1981. Avec vous, nous allons nous intéresser à l’accession au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing.

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Le 19 mai 1974, Valéry Giscard d’Estaing était élu à la présidence de la République avec 50,8% des suffrages. En mai dernier, le quarantième anniversaire de cette élection a suscité peu d’échos. Il s’agit pourtant d’un moment charnière dans l’histoire de la Vème République. Quelques mois après le premier choc pétrolier et la dévaluation du dollar, cette élection coïncide avec la fin des « Trente glorieuses ». Les Français font le choix d’un président jeune et dynamique, qui propose un vaste plan de modernisation et de réformes. Il se présente en même temps comme le candidat du « changement sans risque ». L’élection est un jalon entre la continuité du pouvoir gaulliste et la rupture de 1981. Pour le journaliste André Laurens, dans un livre paru en décembre 1974 : « La victoire de Valéry Giscard d’Estaing procède de trois paradoxes (…). Elle est d’abord la conquête de la foule par un solitaire. Ensuite, le succès d’un conservateur qui se réclame du changement. Enfin, l’aboutissement d’une stratégie de débordement par le centre. »

La stratégie électorale de VGE a été largement commentée et les biographes ont relevé deux points forts. D’une part, Giscard avait parfaitement analysé le paysage politique français et il a su tirer profit des divisions de la droite. À la mort de Georges Pompidou le 2 avril 1974, Valéry Giscard d’Estaing ne déclare pas immédiatement sa candidature. Alors que le camp gaulliste attend une déclaration de Pierre Messmer, Jacques Chaban-Delmas se lance le 4 avril et brise l’unité de son camp. Giscard se déclare le 8 et obtient le soutien de ceux des gaullistes qui souhaitent avant tout punir Chaban d’avoir doublé Messmer. VGE n’en reste pas moins le candidat du centre. Au cours de la décennie précédente, ses fréquentes critiques de la politique menée par le Général avaient attiré à lui les centristes et nombre de déçus du gaullisme. C’est fort de cet électorat composite que Valéry Giscard d’Estaing se place en deuxième position au soir du premier tour. François Mitterrand, arrivé en tête, ne dispose alors que de faibles réserves de voix. Le ralliement de toutes les forces de droite derrière Giscard lui assure la victoire le 19 mai.

D’autre part, VGE a su importer en France les techniques de communication politique. Observateur attentif des Etats-Unis et grand admirateur de John Kennedy, VGE est l’un des premiers à comprendre que l’élection présidentielle se joue désormais sur l’image du candidat. Il a compris l’enjeu des réformes institutionnelles de 1958 et 1962 qui font désormais de l’élection présidentielle un scrutin personnalisé. Dans les années qui précèdent la campagne, il effectue de nombreuses sorties médiatiques et se présente tour à tour sous les traits du skieur, du footballeur, de l’accordéoniste ou du père de famille. D’abord ministre discret rue de Rivoli, loué par la presse économique mais inconnu du grand public, il gagne une image présidentielle. La campagne confirme le rôle des techniques de communication modernes. Giscard accorde une grande importance au débat télévisé de l’entre-deux tours qui l’oppose à François Mitterrand le 12 mai. Avec le désormais célèbre « monopole du cœur », il achève de construire son image de président. Après quinze ans de pratique gaullienne du pouvoir, l’élection de 1974 est donc bien le signe d’une modernisation en cours.

Jean-Claude Casanova, selon vous, quelles sont les leçons politiques de cette élection et quels sont les éléments qui ont été effectivement repris dans les campagnes présidentielles suivantes ? L’élection présidentielle se gagne-t-elle toujours au centre ?

Invités

Max GALLO, romancier et historien

Eric LE BOUCHER, éditorialiste aux Echos et co-fondateur de Slate

Jean-Claude CASANOVA, économiste, Président de la Fondation nationale des sciences politiques

Thierry PECH, directeur général de la fondation Terra Nova