

Lundi, Vladimir Poutine reconnaissait les "républiques séparatistes" du Donbass, Donetsk et Louhansk. Deux jours plus tard, il envahissait l'Ukraine pour "dénazifier" son voisin pro-occidental qui mènerait, selon ses mots, un "génocide" contre les russophones.
- Bertrand Badie Politiste, spécialiste des relations internationales
- Thomas Gomart Historien des relations internationales, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
- Hubert Védrine diplomate, ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Jospin et ancien secrétaire général de la présidence de la République sous François Mitterrand
- Christine Ockrent Journaliste et productrice de l'émission "Affaires étrangères" sur France Culture
Dans une déclaration publiée à l'aube, jeudi, Vladimir Poutine a déclaré s'efforcer "d'arriver à une démilitarisation et une dénazification de l'Ukraine", assurant ne pas avoir "dans ses plans une occupation des territoires ukrainiens". "Nous ne comptons imposer rien par la force à personne", a-t-il affirmé, appelant les militaires ukrainiens "à déposer les armes".
La guerre sur le terrain est déclarée
Jeudi matin, Vladimir Poutine a donné le signal des hostilités en lançant une invasion de l'Ukraine, avec des frappes aériennes à travers le pays, notamment à Kiev. Des forces terrestres russes sont également entrées sur le territoire ukrainien, depuis le nord, l'est et la Crimée annexée. Les Ukrainiens se sont réveillés vers 4 heures du matin, sous le feu des bombes. Face à l'invasion russe, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a proclamé jeudi la loi martiale dans le pays, appelé ses concitoyens à "ne pas paniquer", avant d'annoncer la rupture des relations diplomatiques avec Moscou. Trois jours après le lancement de l’invasion russe en Ukraine, les combats se poursuivent, notamment à Kiev, la capitale ukrainienne. Le pays annonçait samedi matin avoir repoussé une attaque russe sur une des principales artères de la ville. Vendredi, le président Zelensky a lancé un appel à la mobilisation, exhortant les Européens aguerris à venir combattre. Il demandait samedi, dans un message posté sur Facebook, à ne pas déposer les armes et à continuer de défendre Kiev. Vladimir Poutine incitait l'armée ukrainienne à prendre le pouvoir. Ce dimanche matin, les troupes russes ont envahi la deuxième ville du pays, Kharkiv. L'armée russe a en outre encerclé deux grandes villes au sud du pays, Kherson et Berdiansk.
Et les civils fuient
Le chef du ministère ukrainien de la Santé, Viktor Liashko, a déclaré samedi qu'au moins 198 Ukrainiens, dont trois enfants, ont été tués depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine. Selon le Haut Commissariat aux réfugiés, il y aurait 370 000 réfugiés. Les premiers ont commencé à affluer dans les pays voisins, en Hongrie, Pologne, Roumanie et Moldavie, notamment. La France se dit prêt à accueillir des réfugiés. A Kiev, un couvre feu a été mis en place hier en fin d'après midi jusqu'à lundi.
Les réactions de la communauté internationale
Les alliés historiques de Moscou ont partagé des messages de soutien à la Russie. C'est le cas de la Syrie, de l'Iran, du Venezuela, du Brésil. La Biélorussie est accusée d'avoir soutenu et aidé à l'invasion de l'Ukraine. Les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et l'Union-Européenne ont annoncé des sanctions à l'égard de ce pays. La Chine ne souhaite pas s'opposer frontalement à son ami russe. Le président chinois qui s'est entretenu vendredi avec son homologue russe a annoncé soutenir la Russie dans la résolution du conflit par le biais de négociation avec l'Ukraine.
Dès le lendemain, la communauté internationale a réagi en mettant en place des sanctions : gel du projet du gazoduc Nord Stream 2, interdiction pour les banques de l’Union Européenne d’accepter des dépôts de citoyens russes de plus de 100 000 euros, plusieurs entreprises étatiques russes se verront bloquer l’accès aux financements européens. Cela va aussi passer par le gel des avoirs ou des interdictions de territoire pour des personnalités réputées être proche de Vladimir Poutine. Les États-Unis et l’Europe ont décidé d’interdire à la Russie de lever de nouvelles dettes quelle que soit la devise, sur leurs marchés. L’idée, derrière cette sanction sur la dette, c’est d’asphyxier financièrement la Russie et la priver durablement de ressources étrangères. Samedi, l'Union européenne et ses alliés ont présenté une nouvelle volée de sanctions financières contre Moscou après l'invasion de l'Ukraine. A commencer par l'exclusion de nombreuses banques russes de la plateforme interbancaire Swift, rouage essentiel de la finance mondiale.
L'expansionnisme Russe
Géorgie, Crimée, Donbass… Au cours des dernières décennies, l’influence russe s’est étendue mais Vladimir Poutine assure ne pas vouloir "reconstituer un empire".
La Russie est déjà intervenue pour soutenir des velléités indépendantes dans des pays issus de l’ancien bloc communiste. En 1992 et 1993, l'Ossétie du sud et l'Abkhazie ont proclamé leur indépendance. En 2008, un nouveau conflit a éclaté entre la Géorgie et les séparatistes. L’Abkhazie a fini, elle aussi, par être impliquée. Soutenues par les Russes, les deux régions ont repoussé les forces géorgiennes et ont repris le contrôle de leur territoire. Après le cessez-le-feu, elles ont été reconnues par Moscou alors que la Géorgie dénonçait "une annexion flagrante de ces territoires, qui font partie de la Géorgie". La Géorgie a alors perdu 20 % de son territoire.
En Crimée, la chute du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, en février 2014, a exacerbé les tendances séparatistes prorusses. La remise en cause de la langue russe par le nouveau pouvoir ukrainien a achevé de rompre un équilibre déjà précaire. La Crimée a annoncé qu’elle refusait de reconnaître les nouvelles autorités provisoires. Le 16 mars 2014, la Crimée a voté à plus de 96 % en faveur de son rattachement à la Russie (le scrutin a été boycotté par les pro-Ukraine). Un référendum qui a été rejeté par la communauté internationale, qui dénonçait une annexion pure et simple. La Crimée a proclamé son indépendance le 11 mars 2014. Une semaine plus tard, les dirigeants de la nouvelle république de Crimée et Vladimir Poutine ont signé un accord entérinant son rattachement à la Russie. Dans la foulée, des mouvements séparatistes prorusses ont émergé dans l’est de l’Ukraine, à Donetsk et Lougansk, régions du Donbass frontalières de la Russie. Deux républiques s’y sont autoproclamées, entraînant un conflit armé qui a diminué en intensité avec les accords de Minsk en 2014 et 2015. Lundi soir, Vladimir Poutine a reconnu ces deux républiques sécessionnistes.
Des cyberattaques
Ce jeudi, plusieurs sites internet d’institutions publiques ukrainiennes, dont ceux du Parlement, du ministère des affaires étrangères ou du ministère de l'intérieur étaient inaccessibles. Ces sites officiels ont été bloqués par un afflux de trafic généré spécifiquement pour les rendre inaccessibles ; l’origine de ces attaques ne fait que peu de doute : ces derniers mois, des actions similaires avaient déjà touché des services publics ukrainiens et avaient été attribuées, par l’Ukraine comme par la quasi-totalité des experts, à la Russie. Très visibles, ces attaques ne sont cependant que la partie émergée d’un iceberg de menaces. Durant la nuit de jeudi à vendredi, deux opérations plus subtiles et potentiellement plus destructrices ont été détectées par des entreprises de sécurité informatique. L’entreprise slovaque de sécurité numérique ESET a annoncé avoir découvert la présence d’un nouveau logiciel malveillant de type wiper (« essuyeur »), conçu pour effacer le contenu des disques durs, sur « plusieurs centaines de machines » en Ukraine.
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