

Ce mercredi 25 novembre, un nouveau gouvernement "feu tricolore" est né en Allemagne, fruit d'une alliance entre le SPD, le FDP et les écologistes. C'est la première fois depuis vingt ans que la CDU n'est pas au pouvoir.
- Giuliano da Empoli Essayiste, romancier et ancien conseiller politique de Matteo Renzi
- Christine Ockrent Journaliste et productrice de l'émission "Affaires étrangères" sur France Culture
- Marion Van Renterghem Grand reporter
- Gérard Courtois Journaliste, ancien chroniqueur au quotidien Le Monde
Le 26 septembre, les élections fédérales ont été marquées par une débâcle du camp conservateur de la chancelière. Au premier tour des élections, les sociaux-démocrates de l'actuel ministre des Finances Olaf Scholz ont devancé légèrement, avec 25,7%, les conservateurs CDU-CSU d'Armin Laschet, 24,1%. Jamais les conservateurs n'étaient tombés sous le seuil de 30%. Chacun des deux camps réclamait pour lui la victoire et affirmait son intention de former une coalition. Dans le système parlementaire allemand, le candidat capable de rassembler une majorité devient chancelier - et pas forcément celui arrivé en tête le soir du scrutin. Ce dimanche 26 septembre, l'Allemagne s'engageait dans de complexes tractations. Qui de la CDU-CSU ou des sociaux démocrates allait réussir à convaincre les verts et les libéraux de former un gouvernement avec eux ?
Le gouvernement "feu tricolore" en Allemagne
Quelques jours après les élections, le patron du FDP Christian Lindner et les dirigeants de Die Grünen, le duo Robert Habeck et Annalena Baerbock, ont opté pour une coalition avec le SPD d'Olaf Scholz. Mais il fallait encore se mettre d'accord pour la formation d'un gouvernement... Ce sera chose faite ce mercredi 24 novembre. Il n’aura fallu que deux mois pour que les sociaux-démocrates, les verts et les libéraux s’entendent pour rédiger un texte de coalition. Après les élections de 2017, il avait fallu attendre le 7 février 2018 et deux tentatives pour aboutir à la reconduction, in fine, du tandem CDU-CSU/SPD. En cette année 2021, la page Angela Merkel qui aura duré 16 ans se termine.
Mercredi 24 novembre, les verts, les sociaux démocrates et les libéraux ont donc conclu un "contrat" de coalition intitulé "Oser plus de progrès. Alliance pour la liberté, la justice et la durabilité". Mais avant d'entrer dans le dur, les trois formations doivent encore obtenir le feu vert de leurs troupes. Les écologistes vont soumettre l'accord de coalition au vote de leurs membres tandis que les sociaux-démocrates et les libéraux organiseront un congrès pour obtenir le feu vert de leurs partis respectifs les 4 et 5 décembre. Le Bundestag devrait être en mesure de se réunir autour du 6 décembre pour élire le successeur d'Angela Merkel : Olaf Scholz deviendra ainsi le quatrième chancelier social-démocrate de l'Allemagne.
Les écologistes à l'environnement, à l'économie et aux affaires étrangères
Ce nouveau gouvernement se dote d’un super-ministère qui gérera à la fois l’économie et le climat. Il sera dirigé par l’actuel coprésident des Verts, Robert Habeck, qui deviendra aussi vice-chancelier. Les verts obtiennent par ailleurs les portefeuilles de l’environnement, de l’agriculture et de la famille.
En matière de politique étrangère, des changements sont à attendre avec la nomination de l’écologiste Annalena Baerbock à la tête de la diplomatie allemande. Les Verts ne cachent pas vouloir être moins conciliants que le fut Angela Merkel avec la Chine et la Russie notamment. La responsable écologiste a par ailleurs promis ce mercredi vouloir "revenir à une politique européenne souveraine".
Pour le Die Grünen, la priorité concerne la lutte contre le changement climatique : une sortie du charbon en 2030 soit 8 années plus tôt que prévu, une augmentation de la production d’énergies renouvelables qui devront constituer 80 % de l’électricité d’ici à 2030, contre 65 % initialement prévus.
Une Europe plus souveraine
Le mantra d’Emmanuel Macron sur la "souveraineté européenne" figure bel et bien dans le programme tripartite des Allemands, lesquels entendent contribuer à conforter "une Union Européenne plus stable démocratiquement, plus capable et plus souveraine sur le plan stratégique". "Nous voulons accroître la souveraineté stratégique de l’Europe, indique le document tripartite. Cela signifie avant tout établir sa propre capacité à agir dans un contexte global et être moins dépendant et vulnérable dans des domaines stratégiques importants."
L’Allemagne de Scholz envisage toujours d’avancer à 27, mais ne s’interdit pas, sur certaines politiques, d’aller de l’avant avec un plus petit groupe d’États "si nécessaire". Ce que le président Macron propose depuis son élection, mais n’a jamais mis en œuvre.
Le SPD : les ministères du travail, des affaires sociales, de la défense, de la santé et du logement
Comme promis, le SPD obtient, entre autres, une hausse à 12 € du salaire horaire minimum, une refonte du système des allocations de chômage et prévoit un vaste programme de construction de logement, sur l’exemple de la ville de Hambourg, longtemps dirigée par Olaf Scholz, en personne.
Alors que l'Europe fait face à la 5ème vague de Covid19, l’un des chantiers les plus urgents du futur gouvernement sera de briser cette vague. En Allemagne, le seuil des 100 000 morts a été franchi mercredi 24 novembre. Lundi le ministre de la Santé Jens Spahn déclarait : les Allemands seront "vaccinés, guéris ou morts" d'ici la fin de l'hiver en raison de la flambée actuelle des infections au Covid-19 dans le pays. Pour l'instant, la nouvelle coalition semble exclure, dans l'immédiat, l'idée de confinement national, et mise sur la généralisation du passe sanitaire dans les transports et de restrictions d'accès pour les non-vaccinés, par exemple dans des lieux culturels.
Le FDP hérite des portefeuilles de la finance, de la justice, des transports, de l'éducation et de la recherche
Sur les questions financières, très polémiques, les libéraux ont réussi à s’imposer. Face à des sociaux-démocrates et des écologistes qui souhaitaient des hausses d’impôts et un assouplissement de la règle constitutionnelle du frein à l’endettement, le FDP a tenu bon. Il obtient le puissant ministère des finances. À sa tête Christian Lindner sera chargé, entre autres, de trouver des solutions alternatives pour financer les dizaines de milliards d’euros d’investissement prévus pour la transition écologique et économique.
Pour la 1ère fois depuis 20 ans, la CDU est exclue du pouvoir
Armin Laschet, après sa défaite aux élections fédérales déclarait : "c’est moi et moi seul qui porte la responsabilité de cette défaite." Nombreux au sein de la CDU réclament sa démission. Certes Armin Laschet a déjà assuré qu'il ne se représenterait pas à ce poste mais il souhaite rester encore un moment à la tête du parti pour animer le débat interne qui aboutira à la nomination de celui ou celle qui lui succédera.
Quel sera le programme de ce nouveau gouvernement ? Quel impact aura t'il sur la France? Sur l'Europe ? Cette coalition inédite parviendra t'elle à gouverner ? Nous en discutons avec nos invités...
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