La crise santaire en France et les débats sur le passe vaccinal

La crise sanitaire
La crise sanitaire ©Getty
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En France, il y a environ 300 000 contaminations au Covid19 quotidiennement. Pour contrer l'épidémie, Jean Castex souhaite l'entrée en vigueur de la loi sur le passe vaccinal dès le 15 janvier. Mais les avis divergent entre politiques et Emmanuel Macron veut mettre la pression sur les non vaccinés.

Avec
  • Monique Canto-Sperber Philosophe, directrice de recherche au CNRS, ancienne directrice de l’ENS et ancienne présidente de l'université Paris sciences et lettres (PSL), auteure de plusieurs ouvrages de philosophie antique et philosophie morale contemporaine
  • Gérard Courtois Journaliste, ancien chroniqueur au quotidien Le Monde
  • Aurélie Filippetti Femme politique, romancière, ancienne ministre de la Culture dans les gouvernements Ayrault puis Valls
  • Jean-Noël Jeanneney Historien, ancien président de Radio France

Selon un bilan établi par l'AFP, la pandémie a fait au moins 5.448.314 morts dans le monde depuis fin décembre 2019.  En France, il y a eu 271 686 nouvelles nouvelles contaminations mardi, 332 252 mercredi, un nombre de malades hospitalisés qui augmente, notamment dans les services de soins critiques. Pour lutter contre l'épidémie, Jean Castex souhaite transformer le passe sanitaire en passe vaccinal. Selon Jean Castex (sur BFM jeudi), "si vous êtes vaccinés, vous avez 20 fois moins de risque d'aller en soins critiques. Il faut donc vacciner en urgence." Selon Santé Publique France, 76,8% de la population française ont reçu toutes les doses requises et bénéficié d'un schéma vaccinal complet.

L'adoption à l'assemblée nationale du passe vaccinal

Lundi 3 janvier, les 700 amendements déposés sur le projet de loi instaurant le passe vaccinal ont été débattus à l’assemblée. Il aura fallu 3 jours jusqu'à jeudi au petit matin (à 5H25) pour que le texte soit validé par 214 voix contre 93 et 27 abstentions. Au sein de La République en Marche, le texte a été en très grande majorité voté par ses membres, le MoDem a voté à l'unanimité pour le texte. Côté Républicains, les avis sur la question était vraiment partagé : 28 ont voté pour le texte, 24 contre et 22 se sont abstenus. Sur les 19 membres de l'UDI présents dans l'hémicycle, trois ont voté pour et huit contre. Sur les 29 membres du groupe socialiste, seuls sept députés ont voté pour le passe vaccinal, dix ont voté contre et trois se sont abstenus. Sans surprise, la quasi majorité des députés de La France insoumise présents a voté contre le texte. Quasi unanimité également dans les rangs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine où siègent notamment les communistes. Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen ont, sans surprise, aussi voté contre. Le texte doit désormais être examiné par le Sénat (où la droite est majoritaire) en début de semaine prochaine, pour une entrée en vigueur que le gouvernement voulait au 15 janvier mais qui devrait être repoussée. Le Premier ministre Jean Castex "espère vivement" son entrée en vigueur le 15 janvier à la date initialement prévue.

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Mais cette adoption de la loi par l'assemblée nationale ne se sera pas faite sans heurts. Lundi soir, l'opposition avait obtenu, par vote à main levée (125 contre 121), la suspension des débats. Alors que le gouvernement misait sur une adoption très rapide, l'examen de ce texte a été marqué par deux interruptions inopinées. La première, lundi soir, lorsque les députés de l'opposition ont mis en minorité les troupes d'Emmanuel Macron et ont refusé de prolonger les débats au-delà de minuit. La seconde fois, mardi soir, après les propos polémiques d'Emmanuel Macron visant les non-vaccinés.

Quelles mesures contient exactement la loi ?

Le passe vaccinal sera obligatoire pour accéder aux bars, aux restaurants, aux transports publics interrégionaux, aux foires et aux séminaires pour les personnes de plus de 12 ans. Par contre en ce qui concerne les sorties et activités périscolaires ou extrascolaires, le passe sanitaire restera demandé aux adolescents de 12 à 15 ans.

Les contrôles d'identité seront autorisés : les cafetiers, restaurateurs et responsables de lieux soumis au passe vaccinal pourront vérifier l'identité des personnes qui présentent leur passe vaccinal. Sur cette question des contrôles, les républicains vont saisir le conseil constitutionnel. 

En raison de la forte circulation du variant Omicron, les accès des salles et des stades seront soumis à des jauges pour accueillir le public. La limite est fixée actuellement à 2000 personnes en intérieur et 5000 personnes en extérieur. Les organisateurs des meetings politiques pourront exiger le passe vaccinal à l'entrée.

Enfin, il y aura davantage de sévérité pour les fraudeurs. La présentation du passe vaccinal d'autrui sera punie par une amende qui va passer de 135 € à 1000 €. La détention d'un faux passe vaccinal sera sanctionnée par une peine de 5 ans d'emprisonnement et une amende de 75 000 €. L'exploitant des établissements qui accueillent du public qui ne contrôlent pas le passe vaccinal s'exposera à une amende de 1000 €. Les personnes verbalisées pour absence de passe, usage d’un faux justificatif ou de celui d’un tiers ne seront pas sanctionnées, à condition qu’elles se fassent vacciner dans les 30 jours suivant leur infraction.

Emmanuel Macron met la pression sur les non-vaccinés

Dans une interview au Parisien-Aujourd'hui en France mardi, le chef de l'état a déclaré "mettre la pression sur les non-vaccinés en limitant pour eux, autant que possible, l’accès aux activités de la vie sociale. D’ailleurs, la quasi-totalité des gens, plus de 90 %, y ont adhéré. C’est une toute petite minorité qui est réfractaire. Celle-là, comment on la réduit ? On la réduit, pardon de le dire, comme ça, en l’emmerdant encore davantage. Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le faire, jusqu’au bout. Et ça, c’est l’immense faute morale des antivax : ils viennent saper ce qu’est la solidité d’une nation. Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen."

Environ 53 % des Français ont dit avoir été « choqués » par les propos d’Emmanuel Macron, et 47 % « pas choqués », selon un sondage Elabe publié mercredi soir.

L'opposition vent debout contre les propos du président...

Les parlementaires de tous bords ont fustigé les déclarations du chef de l'État. Le patron des députés LR, Damien Abad, a regretté des propos «indignes, irresponsables et prémédités» qui relèvent d'un «cynisme puéril». Ugo Bernalicis, député LFI, a estimé que la France était désormais dans une «crise politique déclenchée par le monarque présidentiel, qui se permet d'insulter une partie des Français». Sur LCP, Marine Le Pen a quant à elle dénoncé des déclarations «d'une vulgarité et d'une violence absolument inouïes, inédites». De son côté, Éric Zemmour, a également vivement réagi. «Ce n'est pas seulement la déclaration cynique d'un politicien qui veut exister dans la campagne présidentielle. C'est la cruauté avouée, assumée, qui parade devant des Français méprisés», considère-t-il. Valérie Pécresse a, elle, accusé Emmanuel Macron de faire « de la diversion avec ses phrases ». Un avis partagé par Jean-Luc Mélenchon. Sur Twitter, le candidat de LFI a dénoncé un «aveu sidérant» du président de la République. «C'est clair, le passe vaccinal est une punition collective contre la liberté individuelle», a-t-il chargé.

... Mais le gouvernement soutient le président

Les cadres de la majorité ont défendu les propos du président de la République. Sur France Info, Christophe Castaner a estimé que les Français avaient «besoin de cette franchise». Sur France 2, mercredi, Édouard Philippe est également revenu sur la déclaration du président de la République. Selon lui, si le président s'est exprimé «de façon familière», «tout le monde a compris ce qu'il voulait dire». «La question derrière qui est plus intéressante que la polémique et qui va prospérer sur le terme, c'est celle de la vaccination obligatoire», a jugé l'ancien premier ministre. Et jeudi matin sur BFM, Jean Castex, déclarait : "si nous sommes tous citoyens, personne ne va emmerder personne" [...] "Les règles ne sont pas les mêmes que l'on soit vacciné ou pas, on ne peut pas mettre tout le monde sur le même pied, surtout pas". 

L'école et le milieu hospitalier sous tension

Certains pays en Europe songent à la vaccination obligatoire pour certaines catégories de population (personnes âgées, personnes à risque...). Sur le sujet, Jean Castex réfute toute possibilité que la vaccination obligatoire soit instaurée en France, rappelant que "jusqu'à présent les pays qui l'ont fait, avaient des taux de vaccination très très bas, qui leur ont permis de progresser, mais même pas au niveau où nous sommes nous". Pour le Premier ministre le "passe est beaucoup plus efficace", d'autant qu'il y a déjà des difficultés à contrôler le passe, et qu'elles seraient amplifiées en cas d'obligation vaccinale.. Au sujet d'une éventuelle 4ème dose qui : "multiplie par 5 les anticorps, selon les premiers résultats d’une étude israélienne et protège contre les complications graves", le Premier Ministre a annoncé ne pas l'exclure.

Certains hôpitaux ont d'ores et déjà activé des plans blancs ce qui amène à reporter des opérations et des hospitalisations non urgentes pour donner la priorité aux patients Covid devant être intubés et ventilés. Des hôpitaux saturés et des soignants épuisés après 2 années de pandémie... 

A l'école, le protocole sanitaire qui vient d'être allégé impose aux parents de tester (avec un test antigénique) les enfants qui sont cas contact à J+1, J+2 et J+4 est un véritable casse tête. La principale difficulté étant de trouver les test PCR et de faire la queue pendant des heures pour pouvoir réaliser le test. Selon l'Education nationale, d'ici la fin du mois, des stocks de masques  chirurgicaux FFP1 seront distribués à tous les personnels enseignants, en attendant un avis des autorités sanitaires pour privilégier plutôt  les masques FFP2, plus efficaces contre ce virus galopant. 9.202 classes  sont aujourd'hui fermées. Selon Jean-Michel Blanquer, 7% des enseignants sont absents et un pic à 15% est attendu dans les semaines à venir…

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