Un an après l'assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, Donald Trump persiste à dénoncer des allégations de fraude lors de l'élection présidentielle de 2020. Depuis il avance ses pions pour s'assurer un retour à la Maison Blanche en 2024.
- Bertrand Badie Professeur des relations internationales
- Romain Huret Historien, spécialiste des États-Unis
- Sylvie Kauffmann éditorialiste au journal « le monde », spécialiste notamment des questions internationales.
- Corentin Sellin Professeur agrégé d'histoire CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), spécialiste des Etats-Unis
Donald Trump avait refusé de s'exprimer le jour anniversaire de l'assaut du Capitole. Un assaut où il y a eu des centaines de blessés, quatre manifestants sont morts, un policier est décédé le lendemain de ses blessures et quatre officiers se ont depuis suicidés.
Un an après l'assaut du Capitole, la tension est toujours vive entre Joe Biden et Donald Trump
Jeudi 6 janvier 2022, le Président américain Joe Biden a promis dans un discours solennel au Congrès de ne « laisser personne mettre le couteau sous la gorge de la démocratie » américaine, un an après le violent assaut du capitole par des partisans de Donald Trump. Tant aux États-Unis qu’à l’étranger, « nous sommes engagés dans une lutte entre démocratie et autocratie », a-t-il lancé dans une prise de parole au ton offensif. « Je n’ai pas cherché ce combat » mais « je ne me défilerai pas », a-t-il poursuivi. La réplique de Donald Trump ne s’est pas fait attendre : le milliardaire a estimé que le discours de son successeur, dont la cote de confiance est très basse, était du « théâtre politique » destiné à détourner l’attention de ses « échecs. »
Si Donald Trump a annulé sa prise de parole jeudi 6 janvier, la reportant au 15 janvier, c'est pour éviter une provocation qui pourrait embarrasser son camp politique. Il a donc fait son premier meeting de 2022, hier samedi 15 janvier, en Arizona, état qu'il a perdu de peu face à Joe Biden lors de la présidentielle. Ce meeting intitulé “Save America Rally” (“rassemblement pour sauver l’Amérique”) entend vouloir sauver le pays des démocrates en continuant à faire avancer le fameux programme de l’ex-président: “MAGA” "Make America Great Again" (“rendons sa grandeur à l’Amérique”). Pour ce meeting, Donald Trump a fait du Trump de l'élection volée à l'injustice des médias, en passant par l'ouverture des frontières et le fait que les États-Unis soient devenus "la risée du monde entier". Et d'ajouter : "On en a marre que les politiciens de Washington contrôlent nos vies. On en a marre des obligations". "Les démocrates extrémistes veulent faire des Etats-Unis un pays communiste", a-t-il aussi lancé.
Condamner Trump avant les élections de mi-terms ?
En février dernier, Donald Trump a été acquitté par le Sénat américain dans le cadre de son deuxième procès de destitution, cette fois-ci pour "incitation à l'insurrection". 57 sénateurs ont voté pour un verdict de culpabilité et 43 contre (la majorité des deux-tiers nécessaire à une condamnation n'a donc pas été atteinte). Malgré tout, la pression monte dans son entourage puisque des élus américains ont recommandé fin décembre des poursuites pénales contre son ancien chef de cabinet, Mark Meadows. Une commission parlementaire, mise sur pied pour comprendre le rôle précis de l'ex-président et de ses proches dans les événements, a voté à l'unanimité en faveur de poursuites visant l'ancien "chief of staff" de Donald Trump. Mark Meadows a fourni des milliers de pages de documents officiels, courriels et SMS aux enquêteurs, mais refuse toujours de témoigner auprès de cette commission. Il n'est pas le seul dans ce cas. Steve Bannon, un des artisans de la victoire de Trump en 2016, qui a lui aussi snobé en octobre la commission d'enquête, a déjà été inculpé le 12 novembre pour le même motif d'entrave. Au moment des faits, ce dernier faisait partie de la cellule de crise dirigée par des proches de Trump.
C'est une course contre-la-montre qui est entamée pour les élus démocrates en charge de l'enquête. En effet, une victoire des républicains aux prochaines élections de mi-mandat, qui signifierait la reprise totale du Congrès par le camp de Donald Trump, serait synonyme de dissolution de cette commission et de fin de l'enquête. Symbole de ce ralentissement assumé, fin décembre, Donald Trump a en personne demandé à la Cour suprême, tenue par les républicains, de bloquer le transfert de documents à la commission parlementaire. Cette "commission spéciale" de la Chambre des représentants a réagi en demandant à la Cour suprême d'accélérer l'examen de la requête de Donald Trump, arguant selon la presse américaine qu'un retard "causerait un grave préjudice" à la commission ainsi qu'au public américain. Tous ces efforts ont permis, en un an, d'inculper plus de 725 partisans de Donald Trump.
Trump dans la course pour 2024 ?
Mais depuis sa débâcle de janvier dernier, le milliardaire n'est pas resté longtemps tapi dans l'ombre. Il est très actif depuis l'été 2021 dans la sphère publique : il multiplie les meetings et cela marche très bien. Sa base électorale est toujours vive et répond présente. À l'horizon des élections de mi-mandat de novembre 2022, les candidats de chaque État se bousculent pour recevoir son soutien. D'ailleurs, selon une étude de l'université d'Amherst, dans le Massachusetts, publiée le 28 décembre, 70 % du parti républicain ou Grand Old Party (GOP) pensent que Joe Biden n'a pas été élu légitimement à la Maison Blanche et que l'élection a été volée à Donald Trump. Et les quelques-uns qui ont osé le contester ont été marginalisés : tous ceux qui ont voté en faveur de sa destitution après l’attaque du Capitole ont par exemple fait savoir qu’ils ne se représenteraient pas au terme de leur mandat.
Exclu de Twitter, Facebook et YouTube, l'ancien président américain s'apprête à dégainer son arme secrète : le lancement, le 21 février prochain, du réseau social Truth Social, pour éviter les fact-checks de Twitter, Facebook et YouTube. Selon Donald Trump : «Nous vivons dans un monde où les talibans ont une énorme présence sur Twitter alors que votre président américain préféré a été réduit au silence. C’est inacceptable».
Changer le fonctionnement des élections ?
En parallèle, Donald Trump s'affaire à un autre chantier. Depuis plus d'un an, le GOP veut transformer l'appareil électoral au niveau local. L'objectif affiché : "Sécuriser le processus électoral". Il est proposé tantôt de restreindre l'accès au vote par correspondance, ou encore de limiter le nombre de bureaux de vote, notamment dans certains fiefs démocrates où vivent souvent les minorités ethniques. Les républicains essaient également de prendre le contrôle des résultats du vote. Jusqu'alors, les résultats étaient vérifiés par un membre des deux partis qui promettait de rester impartial. Mais de nombreuses procédures ont été engagées pour réserver ce rôle à un seul représentant républicain.
Les revers électoraux de Biden en novembre 2021
Mardi 2 novembre 2021, les démocrates ont subi de cuisants revers électoraux sur la côte est des États-Unis. S’ils ont conservé sans surprise les mairies de New-York et Boston, ils sont bousculés dans deux scrutins. En Virginie, le financier républicain Glenn Youngkin, s’est emparé du poste de gouverneur avec 50,7 % des suffrages au détriment de Terry McAuliffe. Cet État était, depuis une décennie, dominé par les démocrates. Biden y avait écrasé Trump de dix points à la présidentielle. Dans le New Jersey, où Biden l’avait emporté de seize points, le gouverneur démocrate Phil Murphy espérait une confortable réélection. Il sera finalement réélu de justesse avec 50,03% des voix contre 49,22% pour Jack Ciattarelli.
En Virginie, le financier républicain Glenn Youngkin, novice en politique, s’empare du poste de gouverneur avec 50,7 % des suffrages au détriment d’un cacique du Parti démocrate, Terry McAuliffe, que Biden et Obama étaient venus soutenir. Cet État sur lequel débordent les banlieues de Washington était, depuis une décennie, dominé par les démocrates. Biden y avait écrasé Trump de dix points à la présidentielle.
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