Avec Isabelle Falque-Pierrotin, Conseillère d’État et présidente de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés).
- Michaela Wiegel Correspondante à Paris du Frankfurter Allgemeine Zeitung
- Isabelle Falque-Pierrotin Garante du Grand Débat ancienne présidente de la CNIL
- Marc-Olivier Padis Directeur des études de la fondation Terra Nova
- Sylvie Kauffmann éditorialiste au journal « le monde », spécialiste notamment des questions internationales.
LIBERTÉ ET SÉCURITÉ A L'HEURE DU NUMÉRIQUE
Isabelle Falque-Pierrotin vous êtes diplômée de l’École des Hautes Études Commerciales, ancienne élève de l’École Nationale d'Administration et de l'Institut Multimédia. Vous êtes Présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés depuis 2011. En 2014, vous avez été élue pour deux ans Présidente du groupe des CNIL européennes, le G29, puis réélue en 2016 pour deux nouvelles années. Vous êtes parallèlement Conseiller d’État depuis novembre 2001. Avec vous, nous allons nous intéresser à la liberté et à la sécurité des données, à l’heure de la numérisation de la société.
La CNIL a été créée en France le 6 janvier 1978 par la loi Informatique et Libertés, une loi visant à réglementer la liberté de traitement des données personnelles. La création de la commission, comme autorité administrative indépendante, intervient quatre ans après le scandale de l’affaire SAFARI (Système automatisé pour les Fichiers Administratifs et le Répertoire des Individus), un projet gouvernemental d'interconnexion des fichiers nominatifs de l'administration française. La CNIL française et les CNIL européennes, rassemblées sous le groupe du G29 entendent préserver les données personnelles des utilisateurs tout en accompagnant l’innovation technologique dans le tournant de la révolution numérique. Trois textes élaborés dans le courant de l’année 2016 témoignent de la nécessité de contrôler ces avancées technologiques, qui portent en elles le péril d’une régression des libertés individuelles. La loi pour une république numérique, reconnaissant aux personnes un droit à « l’autodétermination informationnelle », le Privacy Shield, un accord signé entre l’Europe et les États-Unis qui s’intéresse à la protection des données dans les accords commerciaux, et enfin le Règlement européen sur la protection des données qui entrera en vigueur le 24 mai 2018, et permettra à l’Europe de « retrouver sa souveraineté numérique » face aux acteurs mondiaux.
A l’heure de la commercialisation des données, des réseaux sociaux, des big data et clouds, des algorithmes et de l’omnipotence des géants américains du net, la question de la sécurisation des données et de la transparence des activités est primordiale. Ces questions représentent les nouveaux enjeux démocratiques propres à une société numérisée. Vous plaidez pour une transparence des algorithmes qui s’immiscent dans le quotidien de chacun, allant de la publicité à l’éducation avec l’algorithme APB (admission post-bac), de la médecine prédictive à la justice avec l’analyse des actes de récidive.
Alors que la sécurité et la liberté numérique peuvent être considérées comme de nouveaux enjeux démocratiques, de nombreux pouvoirs emploient ces arguments à des fins politiques répressives et régressives. Les autorités turques ont de nombreuses fois bloqué l’accès à certains réseaux tels que Facebook, Twitter ces dernières années, jusqu’à plus récemment le site Wikipédia. Le président américain Donald Trump a quant à lui signé en janvier 2017 un décret qui exclue les non-Américains des programmes de protection de la vie privée, sous le prétexte de renforcer la sécurité intérieure des États-Unis. La question de la sécurité numérique est également primordiale lorsqu’elle pèse sur les démocraties, alors que de nombreuses cyber-attaques russes sont intervenues pendant les dernières élections américaines et sans doute françaises. Enfin, la question de la liberté d’expression à l’heure du numérique fait polémique. Alors que de nombreuses voix revendiquent une totale liberté d’expression sur Internet, la censure de certains contenus, en particulier des contenus djihadistes et pédopornographiques, garantit pourtant seule la sécurité des internautes. Le récent phénomène des « fake news » et la prolifération des discours de haine sur Internet posent aujourd’hui également la question de la limite de la liberté d’expression, et de sa diffusion de masse.
Comment peut-on rendre les mécanismes des algorithmes transparents et intelligibles pour le grand public ? Dans un contexte de prolifération des discours de haine sur internet, doit-il y avoir plus de contrôles des contenus et de limite à la liberté d’expression ? En période d’élections, comment lutter contre la diffusion des fake-news et peut-on envisager une collaboration avec les géants du net ? Jusqu’où peut aller le stockage des données personnelles et à quelles fins peuvent-elle être utilisées ?
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