Les enquêtes sondagières montrent qu’environ 25 % de l’électorat potentiel d’Éric Zemmour était composé début octobre de personnes ayant voté pour François Fillon en 2017. Comment les Républicains peuvent ils se démarquer du polémiste ?
- Dominique Reynié Politologue. Professeur des Universités à Sciences Po.
- Gérard Courtois Journaliste, ancien chroniqueur au quotidien Le Monde
- Giuliano da Empoli Essayiste, romancier et ancien conseiller politique de Matteo Renzi
- Julia Cagé Économiste, spécialiste de l’économie des médias
Sur le papier, la droite partisane ne devrait pas avoir beaucoup de mal à prendre clairement position contre Éric Zemmour. Déjà condamné pour provocation à la discrimination raciale, ce dernier est en effet coutumier des déclarations qualifiées de racistes, islamophobes, homophobes, sexistes et révisionnistes. Pourtant la droite "républicaine" peine pour le moment à s'accorder sur la stratégie à adopter à son égard.
Quelle stratégie adopter face à Eric Zemmour ?
Par la voix de son président Christian Jacob, les Républicains n’ont certes pas manqué d’affirmer un net désaccord théorique avec Éric Zemmour, ne "partageant pas ses valeurs" et refusant sa participation au congrès du parti de décembre prochain. Celui-ci jugeait pourtant dans la foulée le journaliste "utile au débat", expliquant par ailleurs qu’il n’était "pas raciste" et pas d’extrême droite.
On peut aussi évoquer les liens personnels qui unissent Éric Zemmour à un certain nombre de barons de la droite, comme Laurent Wauquiez, qui l'accueillait en janvier 2019 au siège des Républicains où il venait présenter son nouveau livre par un "Vous êtes ici chez vous !".
Le polémiste affirmait lui-même face à Christian Jacob avoir été adhérent du RPR. Et plus récemment nous avons constaté que de nombreux adhérents de jeunes LR soutiennent la Eric Zemmour (qui n'a pas encore annoncé s'il était candidat).
Son orientation économiquement libérale et surtout identitaire sur les questions d’immigration et de multiculturalisme attirerait une frange un peu plus populaire, un peu moins diplômée et plus familière des difficultés économiques de l’électorat de la droite, déjà largement tentée par l’extrême droite et que la droite essaye désespérément de reconquérir depuis cinq ans.
Un défi de taille donc, alors que Xavier Bertrand, candidat pour l’instant le mieux placé chez LR, peine à récupérer plus de la moitié des électeurs Fillon, les déçus de la droite se répartissant à parts égales entre le centre et l’extrême droite.
Des thèmes partagés avec l'extrême droite
Sur BFM début octobre, Valérie Pécresse souhaitait "contrôler l'immigration incontrôlée sur laquelle le gouvernement a échoué et ne maitrise plus rien...". Xavier Bertrand veut également contrôler l'immigration et parle d'un passeport républicain (les personnes qui souhaitent venir en France doivent parler le français et respecter les principes de la laïcité). Il promet de réviser par référendum cette question de l'immigration, une proposition qu'avait faite le Rassemblement National. Ces quelques exemples qui montrent que les Républicains empiètent sur les terres de l'extrême droite. Michel Barnier rejoint ses concurrents au congrès LR : "Et donc nous proposerons un moratoire sur l’immigration pendant 3 à 5 ans. Et nous proposerons un référendum pour retrouver notre souveraineté juridique dans certains domaines où nous l’avons perdu."
Immigration, mais pas que. Sur les questions de sécurité, le discours des Républicains tend à se durcir... Pour Valérie Pécresse, "la crise d’autorité sera un thème central. La crise d’autorité qui fait que dans notre pays nos lois ne sont plus respectées (…) Et en matière de sécurité, le sujet c’est l’impunité". Xavier Bertrand lui souhaite aller plus vite "en s'appuyant sur les procureurs. Les procureurs doivent pouvoir, pour des peines qui vont jusqu’à 5 ans de prison, décider seuls". Michel Barnier parle de son côté "d'électrochoc de la sécurité et de remettre de l'ordre".
On sait pourtant que les discours radicaux des Républicains sur l’immigration, la sécurité ou la laïcité, n’ont pas sensiblement amélioré leurs chances de victoire durant ces cinq dernières années. Et ces électeurs pourraient aussi exprimer à travers leur intention de vote radicale une forme de sanction par rapport à leur famille politique originelle.
Il ne reste plus qu'un mois avant le congrès LR qui désignera le candidat pour la présidentielle, un mois aussi pour ces candidats de séduire à droite et de retrouver leurs électeurs.
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