Unifier une Amérique fracturée par quatre années de trumpisme, combattre la Covid, rétablir le leadership des Etats-Unis : l’élection de Joe Biden avait suscité de nombreux espoirs. Aujourd'hui le président est au plus bas avec 42% d'opinions favorables. Retour sur sa 1ère année présidentielle.
- Bertrand Badie Professeur des relations internationales
- Romain Huret Historien, spécialiste des États-Unis
- Sylvie Kauffmann éditorialiste au journal « le monde », spécialiste notamment des questions internationales.
- Corentin Sellin Professeur agrégé d'histoire CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), spécialiste des Etats-Unis
6 janvier 2021, des milliers de fidèles de Donald Trump se lancent à l'assaut du capitole pour empêcher la certification de l’élection présidentielle. Deux mois plus tôt, Joe Biden a gagné dans les urnes. Mais le président sortant refuse de reconnaître le résultat, prétextant des fraudes lors des votes. Aujourd'hui, 68 % des républicains continuent de soutenir l’hypothèse d’une victoire volée à Trump par les démocrates en 2020. Depuis 1 an, les républicains mettent des bâtons dans les roues des démocrates...
Des réformes promises contrées dans son propre camp...
Joe Biden souhaitait mettre en place un plan de réformes sociales et écologiques, d’un budget de 1.750 milliards de dollars appelé "Build back better". Ce projet comprend des centaines de milliards de dollars pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, accorder des congés parentaux, rendre la maternelle gratuite pour tous, des réductions fiscales pour la plupart des foyers avec enfants, l'extension de la couverture médicale à 3,4 millions d'Américains supplémentaires, une baisse du prix des médicaments... Après un premier vote en novembre à la chambre des représentants, où les démocrates avaient surmonté leurs différends internes entre centristes, inquiets de l'effet sur la dette, et l'aile gauche, qui voulait aller plus loin dans les dépenses, son adoption au Sénat a été repoussée. Un sénateur démocrate de Virginie de l’Ouest, Joe Manchin, refuse de soutenir le projet en l’état pour des raisons électorales. Et sans lui les démocrates n'ont pas de majorité au sénat et sont donc complètement paralysés. C’est un vrai camouflet pour Joe Biden et cela va être un dossier, un enjeu majeur pour 2022.
Les républicains ou comment jouer avec le suffrage universel ?
Selon Joe Biden, certains états « continuent de modifier la loi, non pas pour savoir qui peut voter, mais pour savoir qui peut compter les voix […]. Il s'agit de subversion électorale, pas seulement de savoir si les gens peuvent voter ou non ».
Les démocrates cherchent à contrer les offensives d’états républicains qui durcissent les conditions d'organisation des élections. Après le blocage au sénat de son grand plan de mesures sociales et climatiques, Joe Biden voit l'horizon s'assombrir pour revoir les lois électorales. Depuis des mois, les démocrates voient fleurir des initiatives dans les états pour réviser l'organisation des élections. Pour contrer ce mouvement, les démocrates veulent faire adopter deux projets de loi au Congrès, qui s'imposeraient aux Etats. Le Freedom to Vote Act prévoit que le jour des élections (chaque mardi suivant le premier lundi de novembre) soit férié, pour permettre aux citoyens d'aller voter. Il prévoit aussi 15 jours de vote par anticipation dans tous les états et autorise le vote par correspondance. Un second texte, le John Lewis Voting Rights Advancement Act, propose de renforcer le contrôle fédéral et interdit notamment tout ce qui réduirait le droit de vote d'une minorité. Une réforme qui suppose toutefois l'accord des 50 sénateurs démocrates, ce que n'a pas encore réussi à obtenir le président, Joe Manchin et Kristen Sinema, des démocrates pourtant, s'y sont opposés. Dans un discours à Atlanta (Géorgie) mardi, Joe Biden a donné son feu vert à une réforme des procédures d'obstruction (« filibuster ») du Sénat, seul moyen de faire passer les projets de loi. « Pour protéger la démocratie, je soutiens un changement des règles du Sénat, quel qu'il soit, pour empêcher une minorité de sénateurs de bloquer l'avancée sur l'accès au droit de vote », a menacé Joe Biden lors d'un discours virulent prononcé en Géorgie sur les terres de Martin Luther King.
Inflation, Covid : Joe Biden face à de nombreuses crises
En 2021, les prix ont grimpé de 7%, la plus forte inflation depuis 1982. C'est un problème politique majeur pour le président démocrate qui est accusé par l’opposition républicaine d’avoir nourri l’inflation en adoptant une politique de relance pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie. Les seuls prix de l'énergie ont bondi de 29,3%, et ceux de l'alimentation de 6,3%, selon l'indice des prix à la consommation publié mercredi par le département du Travail. L'Amérique doit aussi faire face à la pandémie de Covid19. Selon le Centers for Disease Control and Prevention (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies), 61,7 % de la population américaine est totalement vaccinée. Le nombre de contaminations par jour s'élève à près de 500 000 (dépassant même 1 million le 3 janvier) et 146 000 personnes sont actuellement hospitalisées.
Les déboires de Joe Biden à l'international
A l'international, les signaux ne sont guère mieux pour Joe Biden. Le retrait des troupes américaines d’Afghanistan a plongé le pays dans le chaos avec le retour des talibans. Certains observateurs ont même comparé des images du retrait d’Afghanistan à celles de Saïgon en 1975. Biden, bien qu’il était certain de sa décision, est apparu dépassé et affaibli dans ce retrait. Les Américains soutiennent en grande majorité sa décision, mais beaucoup ont critiqué les conditions chaotiques dans lesquelles ce retrait a été effectué. Beaucoup ont parlé de débâcle et l’administration Biden ne s’est pas montrée beaucoup plus habile en politique étrangère par la suite.
Souvenons nous à l'automne de cette crise historique avec la France lorsque l’alliance entre les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni a conduit à l’annulation d’un contrat de sous-marin qui devait être livré par la France à l’Australie. Les Etats-Unis ont semblé être surpris par la réaction très forte de la France, mais en réalité, dans ce dossier comme dans tant d’autres, c’est l’intérêt des États-Unis qui prime. Finalement, sous Joe Biden, c’est aussi l’Amérique d’abord en matière de politique étrangère.
Concernant la Russie, Joe Biden s’est montré ferme à l’égard de Vladimir Poutine sur divers dossiers comme l'Ukraine, le sort du dissident russe Navalny ou encore la cyber hostilité de la Russie à l’égard des Etats-Unis. Il y a eu des sanctions de tous types allant jusqu’à l’expulsion de diplomates des deux bords. Mais aujourd'hui, le conflit entre l'Ukraine et la Russie est loin d'être réglé, malgré les nombreux pourparlers de cette semaine.
Du côté chinois, Joe Biden a déclaré à propos de son homologue Xi-Jinping : « Il n’y a pas une once de démocratie en lui ». Il a aussi multiplié les démarches visant à soutenir Taïwan dans ses démêlés avec Pékin tout en maintenant une ligne dure vis-à-vis de la capitale chinoise, notamment en ce qui concerne les Droits Humains. Joe Biden a également annoncé que les Etats-Unis allaient boycotter diplomatiquement les jeux olympiques de Pékin de février suite à la disparition de la tennisman Peng Shuai.
Ce jeudi, Human right Watch a déclaré que le président Joe Biden avait promis de placer les droits de l’homme au centre de sa politique étrangère, mais a échoué. D’autres dirigeants occidentaux tels que le Français Emmanuel Macron et l’Allemande Angela Merkel ont été critiqués. Biden « a perdu sa voix » lorsqu’il s’est agi de dénoncer publiquement de graves violations des droits humains, a déclaré HRW.
En Virginie, le financier républicain Glenn Youngkin, novice en politique, s’empare du poste de gouverneur avec 50,7 % des suffrages au détriment d’un cacique du Parti démocrate, Terry McAuliffe, que Biden et Obama étaient venus soutenir. Cet État sur lequel débordent les banlieues de Washington était, depuis une décennie, dominé par les démocrates. Biden y avait écrasé Trump de dix points à la présidentielle.
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