L'Esprit Public en direct des Rendez-vous de l'Histoire de Blois ce dimanche avec l'ancienne Ministre de la culture Aurélie Filippetti, la journaliste Christine Ockrent, le philosophe François-Xavier Bellamy et l'historien Jean-Noël Jeanneney.
- François-Xavier Bellamy Député au parlement européen, président de la délégation française PPE
- Aurélie Filippetti Femme politique, romancière, ancienne ministre de la Culture dans les gouvernements Ayrault puis Valls
- Jean-Noël Jeanneney Historien, ancien président de Radio France
- Christine Ockrent Journaliste et productrice de l'émission "Affaires étrangères" sur France Culture
Remaniement. Politiques, médias : qui est le maître des horloges ?
Richard Werly est le correspondant parisien du journal suisse Le Temps et il fallait le lire cette semaine tenter de raconter à ses lecteurs le climat médiatique si français d’un remaniement. Un peu comme Montesquieu choisissant le regard étranger de deux Persans pour nous raconter la vie parisienne, il était amusant cette semaine de lire Werly décrire l’emballement de ses confrères hexagonaux, les chaines d’info en continu jouant à leur jeu favori : celui des pronostics ministériels qui transformaient alors tout journaliste politique en turfiste ou en supporter de l’équipe de France de foot guettant, un peu hystérisés, la liste des joueurs pour le prochain match. Le journaliste suisse s’étonnait : le suivi d’un tel remaniement gouvernemental presque minute par minute apportait-il vraiment une information essentielle au citoyen ? N’était-il pas insensé écrivait Werly de croire qu’un changement de ministres pouvait être l’urbi et l’orbi de la vie politique d’un pays ?
Que s’était il joué par ailleurs cette semaine dans la relation complexe qu’Emmanuel Macron entretenait avec les médias ? Le président qui adorait moquer la médiocrité et l’egocentrisme des journalistes politiques, trouvait là l’occasion de leur rappeler que la composition d’un gouvernement est une chose sérieuse qui nécessite du temps. Posture jupitérienne masquant aussi sans doute de réelles difficultés présidentielles à recruter de nouvelles têtes issues de la gauche pour tenir la promesse du « en même temps macronien », tout en ménageant la susceptibilité d’un premier ministre venu de la droite. Le Président qui se moquait avec un brin de mauvaise foi de la machine médiatique qui réclamait sans cesse sa dose d’images neuves car le macronisme vivait lui aussi d’images et avait grand besoin en cette rentrée d’en produire de nouvelles.
Au fond l’horloge tournait cette semaine pour les Médias comme pour les Politiques, et nul ne savait très bien qui maîtrisait Chronos.
Sommet de la Francophonie : défend-on seulement une langue ?
La Francophonie est-elle la défense d’une langue, d’une culture, ou d’une puissance ? Pourquoi donc tous ces dirigeants étaient-ils réunis cette semaine à Erevan ?
Au fond la francophonie nous apparaissait comme un meuble à plusieurs tiroirs :
Dans le premier on trouvait un simple espace linguistique, de l’Amérique du Nord à l’Afrique en passant bien sûr par le sol européen, espace à forte croissance, puisque le français s’apprêtait à faire un bond de 143% entre 2015 et 2065, 59% des locuteurs du français se trouvant désormais sur le continent africain.
Dans le second tiroir, on trouvait l’héritage de la décolonisation, les voix africaines des présidents Léopold Sédar Senghor au Sénégal, d’Hamani Diori au Niger et d’Habib Bourguiba en Tunisie qui, la décolonisation à peine achevée, avaient proposé dans les années 60 la constitution d’une « communauté francophone » : la francophonie comme maintien du lien FrançAfrique.
Dans le troisième tiroir de la francophonie, certains prétendaient avoir trouvé des « valeurs » : raison pour laquelle la candidature saoudienne cette année avait été repoussée, eu égard aux inégalités hommes/femmes pratiquées en Arabie Saoudite, aux arrestations sommaires ou aux peines de mort par décapitation. Même si on se demandait alors pourquoi on avait accepté d’intégrer le Qatar ou les émirats au sein de l’OIF, et pourquoi aussi on avait élu la rwandaise Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères d’un régime, celui de Paul Kagamé, qui avait un lourd passif de violences, de morts et de pratiques fort peu démocratiques. Le Rwanda qui avait opté de surcroît pour la langue anglaise…
Enfin, dans le dernier tiroir, on trouvait le multilatéralisme : le premier ministre belge Charles Michel par exemple se disant convaincu que l’Organisation pouvait être cette nouvelle instance internationale de 84 membres qui continuaient de défendre des solutions politiques et négociées aux grands problèmes du monde quand d’autres prônaient le chacun pour soi.
Bref, on avait bien compris que dans cette affaire il se jouait autre chose que la défense d’une langue.
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