Marie Mendras, vous êtes politologue au CNRS et au CERI-Sciences Po où vous dirigez l’Observatoire de la Russie. Vous êtes professeur à Sciences Po Paris où vous enseignez notamment la politique étrangère russe. Vous êtes également membre du comité de rédaction de la revue Esprit et vous avez publié de nombreux ouvrages, dont, en 2008, Russie. L’Envers du pouvoir , aux éditions Odile Jacob. Votre dernier livre, Russian Politics. The Paradox of a Weak State , sort ce mois-ci au Royaume-Uni (chez Hurst) et en mai aux Etats-Unis (chez Columbia University Press). Nous vous avons déjà reçue à L’Esprit public pour parler de la Russie, en mars 2004 et en décembre 2006.
Le 7 mai prochain, Vladimir Poutine prêtera serment pour son troisième mandat de président de la République de la Fédération de Russie. Arrivé au pouvoir en 2000, M. Poutine avait dû céder sa place à la tête de l’Etat à Dmitri Medvedev en 2008, et se replier sur le poste de Premier ministre, la Constitution russe interdisant l’exercice de plus de deux mandats consécutifs, mandat dont la durée a été portée à partir de 2012 à six ans. Le 24 septembre dernier, il avait présenté sa candidature à l’élection présidentielle du 4 mars 2012, expliquant qu’une fois élu il choisirait M. Medvedev comme Premier ministre. M. Poutine a remporté cette élection dès le premier tour, avec près de 64 % des voix. Cependant le scrutin a été marqué par d’importantes fraudes, comme cela avait été le cas lors des élections législatives du 4 novembre 2011. Le parti de M. Poutine, Russie Unie, avait alors officiellement obtenu 49,3 % des suffrages mais de nombreuses associations indépendantes, au premier rang desquelles Golos (« La Voix »), évaluaient le score réel de Russie Unie entre 25 et 30 % des voix. Pour l’élection présidentielle, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe a estimé début mars que « bien que les candidats aient été en mesure de faire campagne sans entraves, les conditions ont été clairement biaisées en faveur d'un candidat, Vladimir Poutine. »
Lors des législatives comme de la présidentielle, le parti de Vladimir Poutine a été confronté à une importante mobilisation populaire. L’opposition a utilisé Internet pour véhiculer ses idées et organiser les manifestations. Bien que de nature hétérogène, cette opposition entendait manifester sa défiance à l’égard d’un système corrompu. Sur le plan économique, les deux premiers mandats de M. Poutine ont connu d’une relative embellie, grâce à la hausse des prix des hydrocarbures notamment. Dans un article publié dans la revue Esprit en janvier dernier, vous estimez que « depuis 2009, (Vladimir Poutine est) devenu l’homme de la stagnation (zastoï ) et de la corruption ». Malgré ce sentiment de défiance, Vladimir Poutine aurait selon vous gagné « haut la main au second tour », même si l’élection présidentielle n’avait pas été arrangée en sa faveur.
Marie Mendras, vous avez étudié la quête de puissance de la Russie et de M. Poutine sur la scène internationale mais aussi à l’intérieur du pays. Citant l’économiste finlandais Pekka Sutela – « La Russie n’est pas tant un pays émergent qu’une ancienne superpuissance qui a échoué » –, vous mettez en lumière un paradoxe : la Russie contemporaine prendrait la forme d’un Etat faible doublé d’un pouvoir fort. Pouvez-vous nous éclairer sur la nature de ce paradoxe ?
**Invités : **
Marie MENDRAS, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, chercheuse au CNRS et au CERI-Sciences Po
Sylvie KAUFFMANN, directrice éditoriale au Monde
Jean-Louis BOURLANGES, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris
Max GALLO, romancier et historien
Quelques publications récentes de Marie Mendras :
- *Russian Politics. * *The paradox of a * Weak State , Londres (London, Hurst, avril 2012 ; New-York, Columbia University Press, mai 2012)
- Russie. L’envers du pouvoir (Odile Jacob, 2008)
- « Poutine IV, une victoire à l’arraché », Esprit , mai 2012 (à paraître)
- « Poutine empêtré », Esprit , janvier 2012
- « Vingt ans après. La Russie et la quête de puissance », Commentaire , Hiver 2011 - 2012
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