- Michel Laval Avocat, auteur
Michel Laval, vous êtes avocat et essayiste. Vous avez publié en 1992 Robert Brasillach, la trahison du clerc (Hachette Littérature) et en 2005 L’homme sans concessions, Arthur Koestler et son siècle (Calmann-Lévy). Chez le même éditeur est paru cette année Tué à l’ennemi , La dernière guerre de Charles Péguy . Dans cet ouvrage, vous faites le récit des 35 derniers jours de la vie de Charles Péguy, qui est aussi celui des 35 premiers jours de la Grande Guerre en France, depuis la mobilisation générale le 1er août. Après avoir rappelé l’enchaînement des évènements depuis l’assassinat, le 28 juin, de l’archiduc héritier d’Autriche-Hongrie, François-Ferdinand, par un jeune nationaliste serbe, jusqu’à la mobilisation générale en France et en Allemagne, vous suivez le parcours de Charles Péguy, officier du 276ème régiment d’infanterie, qui apprend la mobilisation alors qu’il est à Bourg-la-Reine. Au lendemain de l’assassinat de Jaurès le 31 juillet, il se rend immédiatement à Paris et part, le 4 août, pour rejoindre son unité à Coulommiers. Comme lui, 3.580.000 français âgés de 20 à 45 ans sont mobilisés. Le même jour, René Viviani, le Président du Conseil, lit aux 600 députés de l’Assemblée Nationale un message que leur adresse le Président Poincaré : « Dans la guerre qui s’engage, la France aura pour elle le droit, dont les peuples non plus que les individus ne sauraient impunément méconnaître l’éternelle puissance morale. Elle sera héroïquement défendue par tous ses fils dont rien ne brisera devant l’ennemi l’union sacrée et qui sont aujourd’hui fraternellement assemblés en une même indignation contre l’agresseur et dans une même foi patriotique ». « La France injustement provoquée n’a pas voulu la guerre », conclu M. Viviani, rejetant la responsabilité de l’éclatement du conflit sur l’Allemagne. Toute la gauche, et la quasi-totalité des socialistes se rallie à la cause de la guerre, comme l’illustre l’éditorial que Gustave Hervé, ancien leader anti-militariste, publie dans son journal La guerre sociale : « Ils ont assassiné Jaurès ! Nous n’assassinerons pas la France ! ». En Allemagne, le Kaiser Guillaume II en appelle au même moment à la « Burgfrieden » (la trêve des partis) au Reichstag, et le chancelier Von Bethmann Hollweg déclare : « Nous savons que la France se tenait prête pour envahir la Belgique. (…) C’est ainsi que nous avons été forcés de passer outre les protestations justifiées des gouvernements luxembourgeois et belges. L’injustice que nous commettons de toute façon, nous la réparerons dès que notre but militaire sera atteint. ». 3.850.000 allemands ont été mobilisés.
Du côté français, le général Joffre appliquera le plan XVII, élaboré par les généraux de Castelnau et Berthelot et définitivement approuvé en 1913. Du côté allemand, le plan Schlieffen, élaboré dès 1898, et qui prévoit une offensive de 6 semaines à l’Ouest par la traversée du Luxembourg et de la Belgique, est mis en œuvre. Après la phase de « concentration », du 5 au 13 août 1914, la « bataille des frontières » s’engage. Le 19 août, Joffre lance l’offensive en Lorraine, qui échoue lors de la bataille de Sarrebourg-Morhange. Le 21 août, la « bataille des Ardennes » est engagée, deux armées s’avançant vers Neufchâteau et Arlon. Le général Lanrezac perd, du 21 au 23 août, les combats de la bataille dite « de la Sambre », alors que les Allemands viennent à bout de la résistance belge à Namur le 24 août. Ces combats sont particulièrement sanglants : le seul jour du 22 août, l’armée française perd 30.000 morts. Les quatre premières armées françaises battent en retraite à partir du 24 août. Charles Péguy meurt au combat, « à l’ennemi », c’est-à-dire en marche « vers l’ennemi », à Villeroy le 5 septembre, jour où Joffre signe l’ordre historique de la contre-offensive prévue le lendemain, et qui marquera le début de la « bataille de la Marne ».
Michel Laval, pour ouvrir notre discussion, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez choisi de vous intéresser au parcours de Charles Péguy pour faire le récit de ce premier mois de guerre ?
Invités :
- Jean-Louis BOURLANGES, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris
- Max GALLO, romancier et historien
- Michaela WIEGEL, correspondante à Paris de la Frankfurter Allegmeine Zeitung
La semaine prochaine : Emmanuel Saint-Fuscien, La relation d’autorité dans l’armée française de la Grande Guerre
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