Laënnec Hurbon : Catastrophes et environnement. Haïti, séisme du 12 janvier 2010 (Éditions de l’EHESS) / Revue Pratiques Les cahiers de la médecine utopique N°65 Dossier L’urgence en médecine
La sociologie des catastrophes est un domaine émergent en sciences sociales. Qu’ils soient naturels ou industriels, ou les deux à la fois comme à Fukushima, ces événements se multiplient et leur impact humain et social est considérable. Nombreux sont ceux qui pointent le rôle du changement climatique et il est vraisemblable qu’il joue son rôle mais les facteurs humains, les défaillances politiques, la vulnérabilité de nos sociétés modernes et la manière complexe dont ces différents facteurs interagissent pour constituer le « système du risque », tout cela constitue désormais un terrain d’enquête spécifique. Aujourd’hui, une meilleure compréhension de ces catastrophes passe notamment par une connaissance plus précise des liens entre environnement et société. C’est l’objet de l’ouvrage collectif dirigé par Laënnec Hurbon, sociologue haïtien, qui s’est entouré de plusieurs anthropologues, d’un philosophe et du géographe Jean-Marie Théodat pour penser le lien entre catastrophe naturelle et catastrophe politique.
En Amérique latine et dans la Caraïbe, sujettes à de fréquents désastres naturels, des études pionnières ont vu le jour dans les années 1990, comme celles de Virginia Garcia Acosta portant sur les catastrophes au Mexique, ou celle, plus récente, de Sandrine Revet sur les coulées de boue au Venezuela, des travaux cités dans la contribution de l’anthropologue Rachelle Charlier-Doucet qui s’emploie ici à construire un modèle de sociologie du risque appliqué aux cas haïtien et dominicain. L'historien Romain Huret, on s’en souvient, avait emprunté à l’approche sociologique tout en mobilisant ses études antérieures sur la construction de l'Etat social et la pauvreté aux Etats-Unis pour analyser les effets du cyclone Katrina dans le delta du Mississippi en août 2005. Il s’était notamment basé sur les sources orales recueillies localement, essentiellement les témoignages des pompiers et des survivants, en analysant par exemple les différentes rumeurs qui circulaient dans la ville dévastée et dans les lieux où les survivants avaient trouvé refuge. Ces rumeurs portant sur des faits de pillage et de violence supposés venaient conforter les stéréotypes raciaux, dans la logique des croyances collectives ou des légendes urbaines.
Dans l’ouvrage dirigé par Laënnec Hurbon, l’enquête d’Alice Corbet a porté sur l’un des faits massifs du séisme en Haïti : le terrible bilan humain – 300 000 morts en quelques instants – et ses conséquences sur les survivants, contraints de cohabiter avec les cadavres de parents ou de proches, à tel point que – je cite « les morts étaient parfois au même niveau que les vivants, ou plutôt les vivants étaient considérés de la même manière que les morts », dormant à leurs côtés dans une dramatique réciprocité de condition, ne pouvant leur offrir de sépulture quand eux-mêmes ne disposaient de plus rien qui ressemble à un toit. Le travail de deuil a pris, dans ces conditions, des aspects traumatiques qui ont gravement oblitéré la capacité à honorer la mémoire des défunts.
Et dans un long détour qui peut apparaître après-coup comme un chemin direct, le philosophe Edelyn Dorismond se réfère à la phénoménologie de la terre développée par Husserl dans son recueil intitulé La Terre ne se meut pas pour éclairer la question du « sens » de la terre dans les luttes anticoloniales. « Si la phénoménologie a conduit Husserl à l’idée que la terre ne se meut pas – conclue-t-il – elle nous conduit, dans le cas de l’histoire d’Haïti, à l’idée que la terre haïtienne se meut. Elle est trop mouvante pour instituer un sol ».
Jacques Munier
Revue Pratiques Les cahiers de la médecine utopique N°65 Dossier L’urgence en médecine
L’urgence en médecine, « un temps du soin qui bouleverse soignés et soignants, un lieu d’accueil des naufragés du système ». Paradoxalement, relève-t-on l’édito, « c’est souvent le lieu où l’on attend le plus » et c’est aussi le lieu où se retrouvent tous ceux que la médecine n’a pas su ou pu prendre en charge, faute de place, de temps ou de confiance. « La problématique de l’urgence en médecine s’inscrit dans un ensemble de dysfonctionnements qui, en amont comme en aval, la conditionnent ». Etat des lieux, avec en ouverture la contribution du philosophe Alain Brossat : Misère du gouvernement à l’urgence
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