Il faut sauver le droit du travail ! Nouvelle Revue de psychosociologie

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Pascal Lokiec : Il faut sauver le droit du travail ! (Odile Jacob) / Nouvelle Revue de psychosociologie N°18 Dossier Le travail syndical (Erès)

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« Le discours sur l’emploi – dénonce l’auteur – nourrit une critique féroce du droit du travail, accusé d’être l’une des causes du chômage ». C’est particulièrement vrai en temps de crise, ce qui est paradoxal puisque puisqu’en l’occurrence c’est plutôt le ralentissement de l’activité qui est responsable du chômage. Mais la circonstance est favorable aux attaques sur les dispositions les plus protectrices à l’égard des salariés, notamment celles qui encadrent le licenciement. Du point de vue des économistes, le lien entre la réduction des protections et le niveau de chômage reste un sujet de controverse. Du point de vue du juriste mais aussi du citoyen et du salarié, opposer l’emploi et le travail est lourd de conséquences. Le travail est l’activité, le métier exercé, et l’emploi le statut auquel ce travail donne droit, ainsi que la traduction quantitative, statistique de l’état global de l’activité. Or, constate Pascal Lokiec, « l’emploi est depuis de nombreuses années la préoccupation première, reléguant le travail au second plan ». C’est pourquoi « il faut sauver le droit du travail », garant notamment des conditions de vie au travail et, partant, de la qualité du travail lui-même, qui est sans doute la meilleure réponse à opposer à la concurrence internationale et au dumping social , surtout dans les domaines de pointe de notre industrie.

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Du point de vue social et politique, cette opposition fomentée entre travail et emploi constitue une menace de discorde voire d’hostilité entre salariés dits protégés et chômeurs, suivant l’idée aujourd’hui répandue que la protection dont bénéficient ceux qui ont un emploi serait un handicap pour ceux qui en recherchent. C’est oublier le fait que plus des quatre cinquièmes des embauches actuelles dans les établissements de plus de 50 salariés se font par CDD, avec un record historique de 84% au deuxième trimestre 2013. Et c’est passer sous silence toutes les stratégies d’évitement des règles sociales mises en œuvre pour éluder le paiement des charges et le coût des procédures de licenciement : statut d’auto-entrepreneur, rupture conventionnelle, externalisation de services entiers… Il est vrai que l’opposition traditionnelle entre l’économique et le social, les employeurs et les salariés, sur laquelle s’est historiquement construit le droit du travail et le mouvement syndical tend aujourd’hui à adopter de nouvelles configurations. D’où la criante nécessité de maintenir une instance de contrôle juridique indépendante pour éviter de revenir aux époques antédiluviennes du « contrat de louage de services » auquel voudraient nous ramener certains fondamentalistes du patronat, qui en appellent comme le président du Medef à la dénonciation de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, laquelle requiert un motif valable de licenciement et ne permet d’y déroger qu’au terme d’une durée raisonnable de la période d’essai. Contrairement à la France, les Etats-Unis n’ont pas ratifié cette convention et la liberté de rupture du contrat de travail est une situation normale. Aucun bailleur, aucune banque ne refuserait un logement ou un prêt au prétexte que le demandeur n’est pas doté d’un CDI en bonne et due forme.

Comme le rappelle Pascal Lokiec, le droit du travail n’est pas hostile par principe à la flexibilité, bien au contraire. Temps de travail, avec l’accord de modulation qui permet à une entreprise d’occuper ses salariés au-delà de 35H sans majoration, rémunération, avec les formules de rémunération variable en fonction des performances, de la situation économique ou des résultats de l’entreprise, les exemples ne manquent pas. Mais la loi se soucie également des garanties des salariés, en contrepartie, relatives notamment à la conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Et elle a fourni le cadre aux accords dits « de maintien de l’emploi » qui permettent de modifier le salaire et la durée du travail en échange d’une assurance toute relative de conserver les emplois. De plus en plus fréquent, ce type de situation est souvent vécu comme une forme de « chantage à l’emploi » et met les syndicats dans des positions délicates. On s’en souvient, c’était le sujet du film des frères Dardenne Deux jours, une nuit où une jeune femme tentait de convaincre ses collègues de renoncer à leur prime annuelle pour sauver son emploi.

Jacques Munier

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