Aurélie Daher : Le Hezbollah. Mobilisation et pouvoir (PUF) / Revue Le Mouvement Social N°246 Dossier Monde arabe en révolutions (La Découverte)
Pour mener à bien cette enquête approfondie et très documentée sur l’organisation politique et militaire qui est devenue le premier acteur de la scène politique libanaise et un protagoniste incontournable du jeu proche-oriental, Aurélie Daher a bénéficié de son intégration précoce à la société où le Hezbollah s’est implanté, et son travail est aussi le fruit de plusieurs années d’immersion dans son terrain, où elle a pu rencontrer des centaines de hauts responsables comme de simples militants ainsi que des témoins de l’histoire qu’elle retrace. Son livre, qui éclaire les soubassements de la relation entre cette organisation et la communauté chiite au Liban, où elle pèse au moins 40% de la population totale, est aussi un parcours dans l’histoire récente du pays et il fournit les éléments pour appréhender son avenir dans un contexte de nouveau terriblement dégradé par la tragédie syrienne.
La mobilisation politique et sociale orchestrée par le Hezbollah relève de trois catégories. Elle est d’abord militaire, le « parti de Dieu » étant un appareil voué à la défense des intérêts d’une organisation armée née au début des années 80 dans le cadre de l’occupation israélienne du sud du pays, la Résistance islamique au Liban . Son rôle initial est donc de recruter des combattants et d’assurer le maintien de cette force. Mais cette mobilisation est également politique car elle consiste à convaincre tous les libanais de soutenir l’effort de résistance, moralement et concrètement. Enfin, pour diffuser et entretenir la culture et l’identité qu’il s’est ainsi forgées, le Parti s’appuie sur un projet social qu’il désigne sous le nom de « société de résistance ». L’auteure étudie en détail l’ensemble des institutions grâce auxquelles il assure les missions normalement dévolues à un État pratiquement absent des régions chiites du pays : l’assistance aux familles des combattants tombés en opération ou des prisonniers, le soin aux blessés et l’aide aux handicapés, la défense civile, l’éducation, le soutien aux pauvres et aux orphelins, le financement de projets professionnels. Ce faisant – insiste l’auteure – il ne s’agit pas là principalement de tisser un réseau clientéliste mais d’abord d’entretenir la mobilisation autour de cette culture de résistance animée par l’organisation militaire. Elle en veut pour preuve que ces institutions restent ouvertes à tous les Libanais, quelle que soit leur confession, dans un esprit opposé au communautarisme. « Les intellectuels du Hezbollah – dit-elle – ont moins développé une philosophie de l’État islamique qu’exprimé des aspirations pragmatiques à un État fort et juste (qui à l’inverse du système confessionnel serait en mesure de couvrir les besoins des communautés les moins pourvues, chiites en tête) ».
Les relations privilégiées avec l’Iran sont également examinées. L’idée communément répandue selon laquelle le Hezbollah ne serait qu’un fondé de pouvoir de la République islamique dans cette région doit être reconsidérée à la lumière de ses analyses. Le « parti de Dieu » est bien, historiquement et politiquement, une création, une entité libanaise, même si les Pasdaran iraniens sont venus lui transmettre un savoir-faire. Ses relations avec la Syrie, au début difficiles, courent tout au long de son histoire en raison de la forte implication et de la présence prolongée de ce pays au Liban. Aujourd’hui on sait les combattants du Hezbollah engagés aux côtés des troupes du régime, lui permettant de remporter des victoires décisives sur la rébellion. Le Parti, qui est désormais la locomotive de la majorité parlementaire, a longtemps respecté la position officielle de neutralité de l’État libanais et il a condamné l’usage des armes chimiques. Il a notamment justifié son engagement dans le conflit par les attaques répétées des djihadistes contre les régions chiites en territoire syrien comme libanais le long de la frontière. Mais comme le montre la position géographique des villes reprises à la rébellion avec son appui déterminant, Qusayr, Yabroud et aujourd’hui Rankous, toutes situées sur la route de Damas à Tartous et Latakieh, bastions du régime et Tartous port d’attache de la flotte russe, ce sont bien les sources d’approvisionnement de l’armement de la Résistance en provenance d’Iran qui sont ainsi protégées.
Jacques Munier
Revue Le Mouvement Social N°246 Dossier Monde arabe en révolutions (La Découverte)
http://www.lemouvementsocial.net/numero_revue/2014-1-varia/
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