Le Jésus de Nietzsche / Revue Etudes

Le Jésus de Nietzsche / Revue Etudes
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Massimo Cacciari : Le Jésus de Nietzsche (Editions de l’éclat) / Revue** Etudes** N°4204

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Pour le philosophe italien Massimo Cacciari, Jésus est le nom de l’interminable explication de Nietzsche avec l’esprit du christianisme, l’antithèse de cette morale du ressentiment et du « pessimisme » des faibles, la morale d’esclaves qu’il imputait au christianisme dans la culture occidentale. En ce sens, l’Antéchrist, c’est Jésus lui-même, avant qu’on ne lui fasse porter les oripeaux du Christ-Roi, avant que l’apôtre des gentils ne trahisse son message pour le porter aux quatre coins du monde. Pour Nietzsche, Jésus est « le seul vrai chrétien » et – je cite – « Saint Paul déplaça tout simplement le centre de gravité de toute l'existence, derrière cette existence — dans le « mensonge » de Jésus « ressuscité ». Car c’était dans son esprit la folle audace de cette vie destinée à la crucifixion : l’idée de Dieu mis à mort par l’homme. « C’est pourquoi, ajoute Cacciari, le mot de Nietzsche « Dieu est mort » peut être prononcé par le christianisme lui-même, et plus encore : il en constitue l’annonce fondamentale ». Le christianisme réaliserait ainsi le paradoxe d’une religion portant en elle le ferment de sa propre sécularisation, de son dépassement vers l’athéisme des esprits libres.

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Nietzsche insiste sur tous les tons pour distinguer la figure et la parole de Jésus de la théologie qu’on a prétendu édifier sur son enseignement. Il aurait souscrit sans réserve à la remarque ironique d’Alfred Loisy selon laquelle « Jésus annonçait le royaume, et c’est l’Eglise qui est venue ». Le procès n’est pas nouveau, toutes les révoltes spirituelles contre le pouvoir de l’Eglise, à commencer par la Réforme, se sont réclamées du message authentique de Jésus. Mais Nietzsche donne son extension maximale à cette contradiction. Ce n’est pas par hasard qu’il cite Maître Eckhart dans Le Gai savoir : « Nous devons même nous libérer de Dieu ». Son Jésus est une sorte d’ « errant chérubinique » et le héros d’une pensée affirmative qu’il appelait de ses vœux contre la pensée du ressentiment, il « reste absolument singulier, vraiment nu et vraiment étranger, insaisissable par la théologie, autant que l’Ubermensch, le Surhomme, l’est par la philosophie » ajoute Massimo Cacciari.

C’est le Jésus qui affirme par la voix de Luc l’évangéliste « On n’épie pas le règne de Dieu, et on ne peut pas dire : le voilà ici, ou là, car voici que le règne de Dieu est au-dedans de vous ». Je cite en regard, après Cacciari, *L’Antéchrist * : « Les mots adressés au Larron sur la croix contiennent tout l’Evangile : « si tu as senti cela, tu es au paradis, car toi aussi tu es un enfant de Dieu ». Nietzsche concentre le message tout entier sur l’aujourd’hui, sur la présence vivante de Jésus – commente Cacciari – sur la joie et le don « Jésus est joyeux » nous dit le fin lecteur de l’Antéchrist, la joie de son message appartient au genre de ceux qui annoncent et incarnent « une mesure d’amour, de philia, de justice ultérieure par rapport à tout humain ». Homo homini deus , l’homme est un dieu pour l’homme, dans cette formule de L’Ethique , Spinoza, que Nietzsche rapprochait de Jésus, donne la clé de l’événement qui a pour nom « Jésus ».

On se souvient que les dernières lettres de Nietzsche, gagné par la folie, étaient signées « Le Crucifié ». Et juste avant de sombrer, il rédige cette autobiographie philosophique intitulée Ecce Homo . Massimo Cacciari cite la lettre à Peter Gast, depuis Turin, le 4 janvier 1889, qui rappelle que « c’est précisément le Crucifié qui, dans l’Antéchrist annonce la transfiguration du monde et la joie des cieux ». Quelque chose de fatal et décisif s’est sans doute joué là, dans l’innocence du devenir, et qu’il nous reste à méditer.

Jacques Munier

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Revue Etudes N°4204

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