Les réseaux secrets de l’Iran / Revue Projet

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Collectif Kaveh le Forgeron : Le Hezbollah global. Les réseaux secrets de l’Iran (Choiseul) / Revue** Projet** N°335 Migrations : quelle autre politique pour l’Europe ?

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Il s’agit d’un état des lieux aussi complet que possible des réseaux par lesquels la République islamique d’Iran tente d’étendre son influence dans le monde, au moyen de la propagande, du terrorisme, du financement d’organisations alliées ou de la livraison d’armes à des mouvements ou des états proches ou inféodés, et aujourd’hui, en Syrie, par la présence de commandos et de conseillers militaires. Les auteurs de cet inquiétant panorama, des experts issus de l’opposition iranienne, se sont réunis dans un collectif baptisé du nom d’un héros de la mythologie perse qui mena une révolte populaire contre un roi tyrannique. Ces experts ont essentiellement travaillé à partir de sources iraniennes, le plus souvent ouvertes mais d’accès difficile et d’interprétation malaisée, comme la presse chi’ite iranienne, pakistanaise ou azérie ou encore les bulletins et sites des Gardiens de la révolution ou de la milice des Bassidji. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ces réseaux sont à la fois actifs et étendus dans le monde, sur tous les continents, et pas seulement dans les zones de leur étranger « proche ». Le terme « Hezbollah » utilisé dans le titre est ici à entendre dans le sens générique de « Parti de Dieu ».

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Pour comprendre l’action internationale très diversifiée de cette nébuleuse d’organisations la plupart du temps secrètes, les auteurs proposent quelques « clés », à commencer par celle qui indique la véritable étendue de l’influence chiite, beaucoup plus large que ce qu’il est convenu d’appeler, notamment dans le monde sunnite ou occidental, le « croissant chiite », c’est à dire une aire qui s’étendrait de la Méditerranée jusqu’au golfe d’Oman. En fait celui-ci englobe également l’Afghanistan, le Pakistan, le Cachemire, l’Inde et même le Bangladesh. On estime en effet à plus de 65 millions le nombre des chiites vivant dans ces pays, un nombre beaucoup plus important que celui des chiites situés dans ce qu’on appelle « l’arc chiite », à l’ouest de l’Iran, et qui comprend le Liban, la Syrie et surtout l’Irak, ce dernier pays abritant la plus importante communauté, soit quelques 15 millions d’individus. Une autre clé concerne la double ligne de la politique étrangère de l’Iran, l’une intangible et l’autre beaucoup plus flexible. La première concerne l’intégrité du territoire et la défense des intérêts vitaux du pays, la deuxième, largement soumise à la première, concerne l’islam et les accommodements que la situation politique peut entraîner, la religion étant considérée comme un moyen et non comme un but. Il y a même certains groupes qui cultivent l’art de la dissimulation pour se protéger des sunnites majoritaires comme les chiites duodécimains, les ismaéliens, et ce fut longtemps le cas également des alaouites en Syrie. Ce principe de dissimulation, complètement admis et qui porte même un nom, la taqiya, a permis à de nombreux chiites vivant dans des pays où ils étaient minoritaires, d’occuper et de conserver des postes dans la haute administration, et d’être surreprésentés dans les élites. Dans le même esprit, les auteurs insistent sur le caractère polymorphe du chiisme qui se prête à bien des adaptations. Et dans les documents de la propagande émanant des organismes du chiisme politique, le lexique abonde en termes consensuels comme la « communauté des croyants », le mouvement islamique, les frères et sœurs musulmans mais jamais n’y apparaît l’adjectif « chiite ».

Un autre puissant vecteur de l’idéologie du « Hezbollah global », c’est évidemment l’antiaméricanisme, qui a très logiquement pris le relais de l’antisoviétisme. Pourtant, les auteurs parlent d’une « politique acrobatique bien gérée », puisque le silence est fait sur le désir des autorités iraniennes de se voir reconnaître par les Etats Unis comme une puissance régionale majeure, et sur la stratégie d’évitement concernant les attaques des intérêts et compagnies américaines dans le monde musulman. Les auteurs dénoncent le strabisme des musulmans en direction des Etats Unis ou de l’Europe, alors qu’ils semblent ignorer ce qui se passe dans leur dos, à savoir le rapprochement dans tous les domaines de l’Iran et de la Chine, qui pratique pourtant chez elle une politique de sinisation à marche forcée des territoires occupés par des musulmans, notamment dans le Xinjiang avec les Ouigours.

La structure complexe de l’état iranien est détaillée dans le livre, en particulier le poids politique et économique des « pasdarans », les gardiens de la révolution islamique qui, après la guerre avec l’Irak se sont reconvertis dans les affaires et sont devenus les principaux pourvoyeurs d’armes à destination des alliés de l’Iran, comme le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien. De même, la conduite du programme nucléaire est étudiée dans son contexte géopolitique, notamment dans le cadre de la coopération déjà ancienne avec le Pakistan. Autre élément concret de l’influence politique des islamistes iraniens, les nombreux camps d’entraînement militaire où affluent les djihadistes du monde entier. L’alliance étroite avec la Syrie est également analysée au regard de sa situation régionale et les auteurs rappellent aussi l’attitude ambiguë d’Israël, qui a d’abord favorisé l’émergence d’un mouvement islamiste pour contrer le pouvoir de l’OLP et se retrouve aujourd’hui en guerre ouverte avec ses ennemis les plus irréductibles au prix d’une situation infernale infligée aux populations civiles.

C’est donc à un tour d’horizon glaçant que nous invitent les auteurs du collectif Kaveh. Et si le terrorisme n’appartient pas à l’arsenal direct des agents iraniens, on voit cependant qu’ils peuvent à l’occasion en faire usage par procuration. Par contre, les attentats appartiennent à leur registre politique, à l’égard des opposants, par vengeance ou mesure de rétorsion, comme à Paris entre fin 1985 et 1986 pour le remboursement du prêt d’un milliard de dollars que le Shah avait consenti à la France pour construire l’usine de retraitement de l’uranium au Tricastin et même pour régler des comptes internes. C’est ainsi que s’est développée la pratique de l’embrassade mortelle, une technique bien rôdée qui consiste à s’approcher de l’adversaire sanglé d’une ceinture d’explosifs pour lui faire l’hommage d’un baiser qui tue. Les victimes, dont de nombreux ayatollahs, ne se sont jamais remis de ces marques d’affection explosive dispensées parfois par de toutes jeunes femmes. (P. 264)

Jacques Munier

Revue Projet N°335 Migrations : quelle autre politique pour l’Europe ?

On se souvient du geste fort du Pape François qui à choisi l’île de Lampedusa pour son premier voyage hors de Rome et pour dénoncer la « globalisation de l’indifférence » dans laquelle se déroulent les drames des migrants. La revue Projet ouvre le dossier, en insistant sur les alternatives à la politique de l’Europe-forteresse, avec la contribution d’Emmanuel Terray. Car si le droit de quitter son pays est bien inscrit dans la Déclaration universelle de 1948, il restera lettre morte tant qu’il ne s’accompagne pas du droit à s’installer dans un autre pays. C’est le sens des analyses d’Antoine Pécoud. Catherine Wihtol de Wenden revient sur la « physique des flux migratoires » à l’échelle régionale et mondiale

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