Parler politique en Chine / Revue Hérodote

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Émilie Frenkiel : Parler politique en Chine. Les intellectuels chinois pour ou contre la démocratie (PUF) / Revue Hérodote N°150 Dossier Regards géopolitiques sur la Chine (La Découverte)

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On a pu voir récemment la célèbre journaliste d’investigation Gao Yu faire des excuses publiques à la télévision, depuis la salle d’interrogatoire capitonnée d’un centre de détention, assise sur une chaise en fer. À un moins d’un mois du 25ème anniversaire de la répression sanglante du mouvement démocratique de Tiananmen, les arrestations des dissidents déterminés à commémorer l’événement se multiplient sous les prétextes les plus divers. Gao Yu, elle, est accusée d’avoir divulgué un document secret du Parti communiste dont le principal auteur ne serait autre que le président chinois Xi Jinping, un document programmatique pour les dix ans à venir et qui déclare la guerre à la démocratie. Sept « périls » sont identifiés, parmi lesquels « la démocratie constitutionnelle occidentale », les « valeurs universelles » des droits de l’homme, la « société civile », la « liberté de la presse » ou « la critique des erreurs historiques du Parti ». Gao Yu a été arrêtée alors qu’elle se rendait à un débat sur les événements de Tiananmen qui devait se tenir clandestinement dans un appartement de Pékin en présence de dissidents. Parmi eux, l’écrivain Liu Di, le professeur de cinéma Hao Jian, un professeur d’université et un chercheur de l’Académie des sciences, tous arrêtés comme elle ou placés en résidence surveillée.

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La répression du « printemps de Pékin » les 3 et 4 juin 1989, outre les centaines de mort qu’elle a causées, a mis fin aux velléités de réforme du gouvernement chinois et entraîné le retour des conservateurs, illustrant à nouveau l’évolution politique en dents de scie où les intellectuels, qu’ils soient proches du pouvoir ou dans une attitude plus critique, semblent avoir bien du mal à trouver leur place. Émilie Frenkiel a mené son enquête auprès d’une vingtaine d’universitaires de renom. Elle a pu constater l’existence d’un « effet Tiananmen » qui se traduit notamment par un repli des chercheurs sur leur domaine de spécialité et une désertion des grandes questions de société. En particulier le débat sur la démocratie a été momentanément suspendu. Et lors d’un assouplissement, quelques années après, de la censure politique et intellectuelle du régime, certains sujets restaient explicitement interdits. On les résume par « les trois T » : Tiananmen, Taïwan et le Tibet.

La situation, telle que décrite par l’auteure, est contrastée. Économiquement dépendants du pouvoir, nombre d’entre les universitaires ont entrepris de profiter de l’essor économique du pays pour réduire cette dépendance – ou améliorer de maigres revenus – en adoptant un second emploi, dans le commerce notamment. Du coup, le dicton populaire selon lequel « sur un milliard de Chinois, les neuf dixièmes sont des commerçants » s’est trouvé assorti d’une variante nouvelle : « sur dix lettrés, neuf sont des commerçants amateurs, quant au dixième, il est en train d’y songer ». Certains scientifiques ont créé des entreprises dans le domaine des technologies avancées, les économistes des cabinets de conseil et les professeurs de langue assurent des stages linguistiques. Mais l’autonomie financière ainsi acquise s’est traduite par une forme de dépolitisation et de retrait du débat public.

Émilie Frenkiel distingue plusieurs formes d’engagement dans ce débat, du type « conseiller du prince », proche du pouvoir et œuvrant au sein de think tank où l’on peut trouver à la fois des conservateurs et des libéraux, à la figure plus solitaire du professeur qui préfère exercer son influence auprès de ses étudiants, appelés à « prendre du galon » et à pérenniser cette influence dans les sphères du pouvoir. Dans l’éventail des options politiques, on observe l’émergence d’une « nouvelle gauche », constituée par de jeunes universitaires formés – c’est paradoxal – dans les universités américaines, rompus à la philosophie « post-moderne » de Foucault ou Lyotard, au « néo-marxisme » ou à l’École de Francfort et qui estiment que l’économie de marché doit être régulée. Parmi les critiques de la démocratie occidentale, beaucoup estiment que le peuple chinois n’est pas prêt à exercer sa souveraineté dans les urnes, ce qui reviendrait à « jouer du piano à un bœuf », selon l’expression consacrée. Et certains insistent davantage sur la démocratie sociétale que sur la démocratie comme régime, se référant aux propos de Pierre Rosanvallon dans *La Société des égaux * : « La démocratie affirme sa vitalité comme régime au moment où elle dépérit comme forme de société ». Pour le dire autrement, l’image de la désaffection du politique que renvoient nos sociétés occidentales ne nous met pas dans la meilleure position pour promouvoir dans le monde le modèle démocratique.

Jacques Munier

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Revue Hérodote N°150 Dossier Regards géopolitiques sur la Chine (La Découverte)

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Si la politique étrangère de la Chine sous Deng Xiaoping pouvait se résumer dans la formule « cacher ses talents et attendre son heure », sous son successeur Xi Jinping, il semble bien que l’heure soit venue… comme on peut le constater dans son « étranger proche », ce qui justifie d’ailleurs la nouvelle politique américaine du « pivot », avec le redéploiement de ses forces vers le Pacifique au détriment du Moyen-Orient. Il est également question de l’Afrique dans ce N°, l’Afrique où la présence chinoise ne fait qu’augmenter

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Hérodote N° 151 Dossier Economie et géopolitique

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