Psychanalyse d’un meurtrier / Revue Crime, Histoire et Société

France Culture
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érard Bonnet : Psychanalyse d’un meurtrier (Payot) / Revue Crime, Histoire et Société Vol.17 N°2 Dossier Violence interpersonnelle en Europe (Droz)

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Le meurtre est la conséquence ultime, indépassable et irréparable de l’un des désirs les plus diaboliques qui bouillonnent dans notre inconscient, celui de tuer notre prochain. Pas étonnant que la psychanalyse s’y soit intéressée dès ses débuts. Freud affirme que tout meurtrier règle ses comptes avec une culpabilité inconsciente et Marie Bonaparte publie en 1927, dans le tout premier numéro de la Revue française de psychanalyse , ses conclusions après le long entretien qu’elle a eu en prison avec Mme Lefebvre, meurtrière de sa belle-fille, enceinte de cinq mois et demi. Lacan a fait sa thèse sur le « cas Aimée », une tentative d’assassinat et il s’est intéressé au crime des sœurs Papin, à distance. Mais c’est la première fois qu’on peut lire le détail de la psychanalyse d’un meurtrier, 17 ans à l’époque des faits, interné depuis plus de dix en hôpital psychiatrique et sans espoir de sortie en raison de sa dangerosité.

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Le jeune homme, sous l’emprise d’un raptus soudain, a poignardé à mort sa voisine âgée, sans être en mesure par la suite d’expliquer son geste. C’est lui qui demande à voir le psychanalyste, au départ pour des troubles de la sexualité qui perturbent ses relations avec certaines patientes de l’établissement où il est interné. Petit à petit, après avoir raconté sa vie, il est amené au long des séances à évoquer son passage à l’acte. Bien qu’il ne semble éprouver aucune culpabilité, le remords trouve à s’exprimer dans les rêves qu’il dit avoir fait quotidiennement durant ses deux premières années d’hospitalisation, avec l’impression « horrible », à son réveil, de la présence de la victime dans sa chambre. C’est la forme la plus répandue du remords, celle du retour du mort. Le psychanalyste, spécialiste de cet affect qui comme la plupart « échappe au refoulement », tient là son fil d’Ariane.

Il est difficile de résumer les méandres et les à-coups d’une psychanalyse au long cours. Mais c’est évidemment très en amont de son meurtre que nous conduit le fil du remords , en amont du jeune meurtrier lui-même, dans l’histoire familiale où il est notamment question d’une grand-mère ayant coupé tout lien avec son fils à cause de son mariage et d’un grand-père qui a perdu la vie dans un accident de chasse dont les circonstances n’ont pas été élucidées. Beaucoup de non-dits qui sont pour lui – je cite « comme autant d’énigmes qui l’ont tourmenté à son insu au cours des années antérieures ». Et c’est au point que lorsqu’il apprend le crime benoîtement révélé par son fils, le père veut se dénoncer à sa place, montrant aussi par là son implication dans l’histoire et suscitant la question canonique du psychanalyste, celle-là même que pose Freud dans *La Psychopathologie de la vie quotidienne * : « à qui profite le crime ? » Le gamin semble s’être enlisé dans un processus de réparation. À cela s’ajoute une jalousie passionnelle et même morbide pour un jeune frère qui le détrône de sa position de petit dernier dans l’amour de sa mère, une propension marquée et précoce pour la découpe des animaux, et une animosité ancienne à l’égard de celle qu’il appelle « la vieille » – la victime – celle dont il nous dit qu’« elle l’avait toujours à l’œil », le mauvais à l’évidence, et qu’il identifie inconsciemment à la grand-mère abusive.

On ne peut s’empêcher d’éprouver une sorte de déception à la lecture de l’enchainement de ces faits déclencheurs, finalement assez banals, pour aboutir à un acte aussi extraordinaire, au sens propre. Une impression partagée par l’auteur lui-même, qui évoque sa « désillusion, au terme de l’analyse d’un acte si monstrueux et si complexe, que d’aboutir à un noyau si communément partagé », des histoires de famille, encore et toujours… On a presque envie de dire à rebours : tout ça pour ça ! Le diagnostic de « perversion sadique » posé au départ par les psychiatres est affiné et ramené par le psychanalyste, après celui de « psychose paranoïaque », à celui de « névrose hystérique avec passage à l’acte à un moment crucial de l’adolescence ». La démarche de soin entreprise par le meurtrier lève la présomption de dangerosité et facilite son élargissement. J’ai envie de dire qu’il est temps de revenir à des lectures plus excitantes : Marc Villard ou James Ellroy, entre autres.

Jacques Munier

Revue Crime, Histoire et Société Vol.17 N°2 Dossier Violence interpersonnelle en Europe (Droz)

http://chs.revues.org/1421

Avec notamment la contribution de Gerd Schwerhoff sur les violences liées au code de l’honneur aux XVIIe et XVIIIe siècles, un type de violence en déclin, observe l’historien, qui avance l’hypothèse du passage pour l’honneur d’une fonction d’intégration sociale à une dimension de distinction sociale. Et celle de John Cronin sur les duels d’honneur aux Pays-Bas à la fin des années 1650. Il remet au cause la thèse de Norbert Elias sur la civilisation des mœurs au sein de l’élite et de la noblesse

Manon van der Heijden étudie dans ce même pays le rapport et l’accès des femmes à la justice urbaine entre 1600 et 1838, en particulier dans le cadre des violences conjugales

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