Tours et contours de la publicité / Revue Hérodote

France Culture
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**alérie Patrin-Leclère, Caroline Marti de Montety, Karine Berthelot-Guiet ** : La fin de la publicité ? Tours et contours de la dépublicitarisation (Le Bord de l’eau) / Revue Hérodote N°152-153 Dossier Cyberespace : enjeux géopolitiques (La Découverte)

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La fin de la publicité, c’est la mutation de la communication publicitaire et la continuation de la réclame par d’autres moyens, plus insidieux et s’inspirant des formes plus valorisées qu’elle côtoie : médiatiques, culturelles ou numériques. Qu’il s’agisse de contourner les résistances de consommateurs publiphobes ou d’investir d’une manière plus étendue et intégrée les contenus des supports dont elle achète des espaces, le résultat observé par les auteures constitue une manière de paradoxe : en quittant ses espaces réservés, cette forme de « dépublicitarisation » aboutit en fait à une hypertrophie de la communication publicitaire que les auteures désignent comme une « hyperpublicitarisation ». La version la plus avancée du phénomène conduit, au-delà du paradoxe, à un véritable renversement, une inversion des rôles, comme dans l’exemple que nous avons sous les yeux avec le nouveau projet pour le journal Libération . Au lieu d’être un support pour les marques, il serait prévu que le journal devienne lui-même une marque, celle d’un réseau social dont le label identifierait toutes sortes d’activités, dont certaines seulement seraient de nature journalistique. Le mouvement est engagé puisque, comme le rappelle Valérie Patrin-Leclère, un projet comparable quoique moins ambitieux a été réalisé récemment avec France Soir , désormais vendu sur tablette et dont les articles sont entourés d’une « place du marché » composée de sites commerciaux vendant des produits dits « contextuels », c’est-à-dire reposant sur une association d’idées avec le contenu éditorial. Dans le même esprit les suppléments hebdomadaires des grands quotidiens se sont massivement développés pour drainer la manne publicitaire en pratiquant cette forme d’hybridation des contenus, comme en témoigne la vogue des portraits, peu coûteux en terme d’investissement journalistique et permettant de glisser à l’occasion la marque du déodorant préféré ou des lunettes de la personnalité dont on suit une tranche de vie.

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On connaît l’importance des recettes publicitaires pour l’existence économique des médias. Dans la presse écrite, les revenus de la pub représentaient en 2011 39,1% contre 60,1% pour les revenus issus de la vente aux lecteurs, un pourcentage en baisse régulière. Pour proposer un journal à un prix de vente inférieur à son coût de revient, les entreprises de presse doivent forcément avoir recours à la publicité. Et en réaction à la baisse constante de ces revenus elles tentent par tous les moyens de capter de nouveaux marchés publicitaires, quitte à en rabattre sur leur indépendance. Dans les suppléments weekend, on s’efforce de composer un sommaire attractif quant à la forme, avec des articles courts et illustrés, et sur le fond avec des articles positifs, relevant de thématiques liées au quotidien, comme l’alimentation ou les soins du corps, qui suscitent des comportements de consommateurs. Mais dans l’ensemble, ces nouvelles figures de la pub et cette insertion toujours plus diffuse dans les contenus soulèvent des questions que ne manquent pas de poser les auteures, notamment celle des choix éditoriaux, qui relèguent forcément les sujets ne rentrant pas dans le cadre. C’est le « point aveugle » de la publicitarisation à tout va.

D’autant que ce mouvement de fond gagne d’autres formes médiatiques, la télévision, depuis longtemps avec les programmes de télé-réalité, par exemple, ou l’internet qu’étudie sous cet angle Karine Berthelot-Guiet, ses blogs de marques ou les « fan page » de Facebook. Caroline Marti de Montety s’intéresse quant à elle à l’adoption de formes culturelles, notamment muséales, par les grandes marques. Un exemple gentiment soft de ce mimétisme prédateur est le musée du bonbon Haribo, avec en vedette le rouleau de réglisse créé en 1947 ou le chamalow né en 1971, sa salle des machines et les secrets de fabrication de l’alcool de menthe depuis 1930. On se prend à rêver d’une grande exposition temporaire consacrée aux usages de la fraise Tagada, apparue au zénith de l’année idéale 1969.

Jacques Munier

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Revue Hérodote N°152-153 Dossier Cyberespace : enjeux géopolitiques (La Découverte)

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Et ils sont nombreux, c’est une vraie guerre froide multipolaire qui se livre sur la toile, une guerre pour son contrôle et sa régulation, avec une offensive générale des Etats non démocratiques, la guérilla économique, le renseignement ou la diplomatie d’influence, des enjeux que l’affaire Snowden a révélés au grand jour

Avec notamment la contribution de James A. Lewis : Étude préliminaire sur les analyses en cybersécurité : l’affaire Snowden comme étude de cas

« La cybersécurité est un champ d’études compliqué car de nombreuses informations nécessaires à une analyse objective sont confidentielles. Néanmoins, il est possible de tirer des conclusions précises de données incomplètes, mais cela dépend des hypothèses et des modèles choisis pour interpréter ce qui est connu et nécessite d’adopter des méthodologies rigoureuses. Une question initiale et fondamentale est de savoir si le cyberespace a transformé de manière significative le comportement des Etats. Ainsi, cet article analyse les effets réels de l’affaire Snowden sur les négociations visant un accord international sur la cybersécurité. Il montre que, depuis ces révélations, les positions des États sur la recherche d’un accord international varient selon leurs intérets respectifs, mais qu’aucun d’eux n’envisage sérieusement de rompre les pourparlers avec les États-Unis. »

Au sommaire

Les données sociales, objets de toutes les convoitises par Stéphane Frénot, Stéphane Grumbach

Les représentations du cyberespace : un outil géopolitique par Alix Desforges

Le cyberterrorisme : un discours plus qu’une réalité. par Olivier Kempf

Cybergéopolitique : de l’utilité des cybermenaces par Rodrigo Nieto Gomez

Peut-on penser une cybergéographie ? par Kave Salamatian, Jérémy Robine

La Russie dans le cyberespace : représentations et enjeux par Kevin Limonier

L’art de la guerre revisité. Cyberstratégie et cybermenace chinoises par Frédérick Douzet

Ranger la Terre. Le nommage des domaines est-il l’expression d’une stratégie des États-Unis de domination des réseaux ? par Dominique Lacroix

Existe-t-il un droit international du cyberespace ? par Oriane Barat-Ginies

De Tallinn à Las Vegas. Une cyberattaque d’importance justifiet-elle une réponse cinétique ? par Martin Libicki

La guerre économique à l’ère du cyberespace par Danilo D’Elia

L’intergouvernementalité dans le cyberespace : étude comparée des initiatives de l’Otan et de l’UE par Jean-Loup Samaan, Vincent Joubert

Revendications sur le cyberespace et puissances émergentes par Hannes Ebert, Tim Maurer