Champs libres, trois générations d'agricultrices au fil des saisons

Dehors, été comme hiver
Dehors, été comme hiver - Sandra Mehl
Dehors, été comme hiver - Sandra Mehl
Dehors, été comme hiver - Sandra Mehl
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Dans une ferme gersoise à côté de Condom, trois générations d’agricultrices vivent sous le même toit. Depuis 2 ans, Sophia Marchesin suit l’installation de la jeune maraîchère et le lent retrait des champs de sa grand-mère nonagénaire. La terre est-elle un espace d’émancipation ou de restriction ?

Une Expérience signée Sophia Marchesin, réalisée par Annabelle Brouard

Alberte, 95 ans, nourrit les poules tous les matins, continue de monter sur le tracteur tondeuse en été et d’astiquer les cuivres en hiver. Pas question de finir sa vie de paysanne devant le petit-écran. Il faut être utile, rester active, faire son devoir. Elle a tout vécu dit-elle : la guerre, la cuisine au feu de bois, l'éducation de ses trois filles à bout de bras, le soin de ses beaux-parents centenaires, et la traite des vaches, le désherbage à la main des vignes, sans jamais être déclarée, rarement remerciée. Pour elle, la machine à laver, le permis de conduire et le glyphosate ont été une libération. 

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Son aînée Michèle, gère encore le camping de la ferme mais ne veut plus mettre les mains dans la terre. Avec son mari, elle a repris l’exploitation familiale dans les années 90 - et puis il y a eu la dépendance aux produits phytosanitaires, la chute du cours du lait, les dettes et la vente d’une des deux fermes. Elle a quitté les vignes et l'élevage de bovins dépitée, et laisse volontiers la place à sa nièce. 

Alberte, entourée de sa fille Gilou et de sa petite fille, 2019.
Alberte, entourée de sa fille Gilou et de sa petite fille, 2019.
- Sandra Mehl

A 31 ans, Elsa n’a pas peur de casser les codes. Elle a renoncé à son métier d’enseignante pour revenir à la maison. Épaulée par sa mère Gilou, son compagnon et son petit frère, elle s’installe seule pour produire des légumes en bio, sur toute petite surface et en circuit court ; quoi qu’en disent les voisins. Pour elle, la terre n’est pas synonyme de croissance ou de mécanisation à outrance, encore moins d’isolement. Au contraire, en s’enracinant chez elle, elle espère créer son propre espace de liberté. 

J’ai fait mon devoir de paysanne mais il est lourd!  Alors je dis à mes jeunes : partez en vacances et ne possédez rien! Et vivre… il faut vivre, sa vie de jeune, sa vie de couple, ça n’a pas de prix ! Alberte

Quand mon père a pris sa retraite, c’est mon mari qui a voulu reprendre l’exploitation familiale. Moi j’avais quitté la ferme à 18 ans, je n’aimais pas le travail aux champs. Avec le camping à la ferme nous accueillons des gens de l'extérieur, c’est un espace d’évasion pour moi. Michèle

Je reviens à la ferme avec une étiquette de néo-rurale, seule, en bio… Mon retour à la terre est un engagement militant. Il faut imposer son corps dans un espace où on ne nous attend pas. Elsa

Vue sur l'exploitation familiale
Vue sur l'exploitation familiale
- Sandra Mehl

Lors de son retour dans son Gers natal il y a deux ans, Sophia Marchesin a décidé de questionner ses voisines et amies agricultrices, jeunes et moins jeunes, sur leur place dans leur microcosme rural. Alberte et Elsa ont accepté de l’accueillir au cœur de leur intimité familiale. Au fil des saisons, avec la photographe Sandra Mehl, elle observe leurs joies, leurs complicités mais aussi leurs doutes, les limites de leur quête d’autonomie. 

A travers cette histoire de transmission familiale, je m’interroge sur cent ans de mutations des pratiques agricoles mais aussi sur l’épanouissement des femmes, leur rapport au temps, à la pénibilité du travail, au poids de la famille, dans un espace où leurs désirs personnels sont peu exprimés, leurs gestes rarement valorisés. Sophia Marchesin

Depuis l'âge de dix ans Alberte nourrit les poules
Depuis l'âge de dix ans Alberte nourrit les poules
- Sandra Mehl
Eté 2021, première production d'Elsa
Eté 2021, première production d'Elsa
- Sophia Marchesin

Générique  

Recherche sonore et photographique soutenue par l’espace d’art contemporain Memento et le Conseil départemental du Gers.

Musiques :

  • Landscape de Yom and the Wonder Rabbis
  • Intro Naoned de Maxime Delpierre
  • The Space Between de Joanna Brouk
  • Bright Shadows / Calle Silencio et Circles / Sunshine d’Anne Paceo

Avec : Alberte, Elsa, Gilou et Michèle

Mixage : Valérie Lavallard

Réalisation : Annabelle Brouard

Une création sonore de Sophia Marchesin

Remerciements

Un grand merci à toute la famille d’Alberte et aux nombreuses personnes qui font vivre cette ruche.

Merci à Karine Mathieu, directrice de Memento, Marie-Frédérique Hallin, directrice du Centre d'Art & Photographie de Lectoure et le Conseil Départemental du Gers pour leur soutien. 

Un immense merci à la photographe Sandra Mehl.

  • À ma mère, mes tantes et ma grand-mère -Sophia Marchesin-
Elsa reprend une partie des terres de sa grand-mère
Elsa reprend une partie des terres de sa grand-mère
- Sandra Melh

L'équipe