
Une plongée dans les souvenirs d’Yves Dupaty, 20 ans surveillant-chef à la prison de Clairvaux dans l’Aube. La prison des longues peines.
Au printemps dernier j’ai aidé un ami avec ses ruches – bien que je n’y connaisse rien aux abeilles. C’est à cette occasion que j’ai croisé le mentor de cet ami en ce qui concerne l’apiculture, celui qui lui a tout appris.

Tous trois vêtus de nos combinaisons blanches protectrices nous avons enfumé les ruches, enlevé doucement les cadres pour observer les abeilles… Le mentor nommé Yves expliquait patiemment comment faire. De temps en temps il parlait aussi un peu de sa vie. Une vie de surveillant-chef à la prison de Clairvaux. Il racontait une anecdote avec un détenu et puis il se remettait à parler des abeilles et de la manipulation des ruches. C’était à chaque fois surprenant cette irruption de la vie carcérale dans cette ambiance bercée par le son des abeilles et de la forêt alentour.

C’était surprenant et toujours fascinant car quand Yves raconte, il y a toujours installation du décor, des personnages et puis dialogues. C’est comme une scène de film.

Ça n’était pas la première fois que je me découvrais fascinée par des récits de prison.
Déjà adolescente, j’ai dû voir une dizaine de fois Le Trou, de Jacques Becker qui m’avait envouté : film en noir et blanc de 1960, une banale histoire d’évasion mais filmée avec la précision d’un documentaire de la vie carcérale …
Des années plus tard, je suis allée chercher à sa sortie de prison un oncle qui venait de faire un mois de préventive. Lui, ma cousine – sa fille – et moi-même avions ensuite passé deux heures dans un bistrot. Là, il nous avait raconté par le menu détail le fonctionnement de la prison, ce monde qui nous est si étranger. Et j’étais restée bouche bée.

Alors je suis retournée voir Yves, nous avons discuté longuement. Je suis restée toute aussi fascinée par ses histoires que lors de notre première rencontre.
Yves, aujourd’hui 78 ans, a passé près de 20 ans de sa vie professionnelle comme surveillant chef de la prison de Clairvaux.
La prison de Clairvaux dans l’Aube est à l’origine une abbaye fondée au 10è siècle, transformée sous Napoléon en maison centrale. Un bâtiment « moderne » y a été ajouté dans les années 70.

En plus d’être une prison qui a abrité des criminels « vedettes » des années 70 aux années 90, elle a aussi été le théâtre de deux évasions dramatiques : une première en 1971 qui s’est terminée dans le sang. Et une seconde, « réussie », organisée par une dizaine de détenus, qui a aussi fait couler le sang, un détenu et un surveillant ayant trouvé la mort.
C’était le 11 Septembre 1992, Yves Dupaty était là, il a été pris en otage et blessé d’une balle dans la jambe.

La parole d’Yves est rude. Sa voix rauque, son franc parlé, sa façon de raconter, donnent évidemment envie de l’enregistrer.

Générique
Avec Yves et Sylvie Dupaty
Un grand merci à eux ainsi qu’à Laurent Teisseire, Johanna Bedeau, Mme Babinet, M Esteffe et le personnel pénitencier de la maison centrale de Clairvaux.
Coordination Aurélie Charron et Inès Dupeyron.
Mixage Pierre Henri.
Réalisation Nathalie Battus.
Une expérience proposée par Julie Gavras.
L'équipe
