Ce soir, c’est couvre-feu…

Lock down à New York
Lock down à New York ©AFP - All images © Rik Moran. All rights reserved.
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Mais que couvre-t-on au juste ?

Couvre-feu, rien que le mot est tout un programme. Et plus encore que le programme, c’est le mot qui est intéressant. Une nouvelle fois, on puise dans le vocabulaire guerrier pour bien montrer que l’on fait la guerre au virus. Sans que l’on sache très bien d’ailleurs ce que l’on couvre... De vagues souvenirs dessinent ce qu’était jadis un couvre-feu, les lumières qui s’éteignaient pendant le Blitz à Londres, le bruit des gazogènes au loin, les nuits passées dans le métro ou bien le dernier métro lui-même. 

Mais comme on le sait, l’histoire se répète toujours. Une fois en tragédie, l’autre fois en farce. Et ce couvre-feu, s’il advient, n’aura qu’un lien lexical avec le précédent – il s’agit uniquement de trouver le mot qui fait peur, qui fait le plus peur possible. Car notre nouvel ennemi est moins un virus que l’insouciance. Et à longueur de journée, cette cinquième colonne, cet ennemi de l’intérieur, est dénoncé... Les jeunes insouciants, les papys et mamys insouciants, les insouciants qui portent leur masque sous le nez, les insouciants qui fêtent l’anniversaire du petit dernier à 12 dans une pièce...

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En réalité, j’aimerais bien que l’on m’en présente des insouciants ! Cela doit faire quelques temps que je n'ai pas rencontré des personnes qui se satisfont de la situation, voire qui en seraient heureuse. Contre ces badauds de la pandémie, on a donc trouvé l’arme absolue : le couvre-feu. 

Pour comprendre à quoi sert un couvre-feu, il faut se souvenir de ce que Durkheim présentait comme un rite. Le rite, expliquait-il en substance, n’agit pas comme il dit qu’il agit, et cependant il agit. Peu importe finalement que les personnes puissent aussi se contaminer la journée, puisqu’après tout s’il y a un couvre-feu à partir de 20 h, 22 h ou 23 h, peu importe, il nous sera tout à fait loisible de nous contaminer avant. Non, ce qui compte, c’est que le corps social perde de sa légèreté, enfin en perde encore, que l’on en finisse avec ces comportements de relâchement qui font que le virus poursuit sa route, que l’on fasse enfin front. En somme que les dirigeants et les dirigés montrent que nous sommes toujours prêts à défendre la patrie à coup d’écouvillons. Nous saurons bientôt si nous avons réinventé la ligne de démarcation ou la ligne Maginot. 

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