Et oui, le sacré resurgit à chaque catastrophe et aujourd’hui ô combien avec l’incendie de Notre-Dame, une catastrophe mystique au carré — catastrophe parce qu’elle touche le monument qui incarne l’âme de Paris, catastrophe parce que ce monument est un symbole religieux.
Et chacun, quelle que soit sa religion, ressent confusément ce qu’est le sacré. Le voilà le paradoxe : les églises se vident et pourtant le sentiment religieux est de retour dès qu’un drame apparaît. On songe évidemment à ce que le sociologue allemand Max Weber appelait le désenchantement du monde. Car le désenchantement du monde n’est en rien une fin d’un monde enchanté, le nôtre est toujours aussi rempli de mythes, de chimères et de symboles. Le désenchantement du monde c’est la fin de la magie comme technique de salut, c’est une manière beaucoup plus spirituelle d’envisager l’existence, les prêtres ont remplacé les magiciens. C’est également l’idée selon laquelle le religieux n’organise plus l’espace social, en tout cas ici en France, mais cela est une autre histoire.
Mais que Notre-Dame prenne feu et resurgit le sacré, le sacré défini jadis par des anthropologues comme ce qui autorise le sacrifice et prévient le sacrilège. L’incendie de Notre-Dame, c’est un effondrement, une sorte de 11 septembre spirituel, même lorsque l’on n’est pas chrétien. Et si je parle du 11 septembre c’est parce que l’on se souvient tous de la manière dont nous regardions, hébétés, les tours tomber et hier nous avons retrouvé le même regard devant l’effondrement de la flèche de Notre-Dame. Alors bien sûr le 11 septembre était un attentat, l’incendie de Notre-Dame semble aujourd’hui être accidentel, mais, paradoxalement, cela ne fait que renforcer le sentiment confus que le sacré est à l’œuvre, comme s'il y avait un symbole à déchiffrer dans cette incendie.
Il faut de la force à la part rationnelle de nos esprits pour refuser toute signification symbolique à cet incendie. Peut-être parce que dans nos cerveaux millénaires se retrouve l’idée que le feu n’est jamais innocent : c’est une nouvelle fois le malheur qui met le sacré sur le chemin de l’homme.
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