On peut être d’accord avec Éric Drouet, l’un des leaders des gilets jaunes…
Oui, on peut être d’accord avec Éric Drouet, leader des gilets jaunes lorsqu’il présente sa nouvelle voiture, une magnifique Jaguar Type R, un bolide de plus de 400 chevaux, dont il a modifié le pot d’échappement, l’un des derniers V8 de la planète, le moteur V8 étant l’équivalent en matière de moteur essence, d’une piste de ski artificielle à Dubaï. Un V8, comme le dit Éric Drouet dans la présentation de cette nouvelle voiture, ça consomme des tonnes, à une époque où un moteur doit picorer des grammes…
Alors, bien entendu, cette acquisition fait jaser. à quoi bon occuper les ronds-points pendant des mois, à quoi bon défiler sur les Champs élysées pendant des semaines sur les thèmes des fins de mois difficiles, si l’on en est réduit à s’acheter des Jaguar ? Des Jaguar et pas des Bentley diraient certains…
Une preuve de plus en tout cas que les gilets jaunes ne voulaient pas changer le système mais changer de voiture. Même s’il s’agit d’un mouvement composite, où toutes les motorisations étaient acceptés, faire des gilets jaunes un mouvement de marxistes convaincus relève de la projection pure et simple, en tout cas Éric Drouet présentant sa Jaguar ne peut pas être perçu comme un bolchevik impénitent.
En revanche, il appartient à une culture dominée, une culture que l’on ne comprend pas dans le 75 même si on la pratique dans le 77, car dans le 75, à quelques exceptions près, dont je suis, l’amour du V8 ressemble à une quasi perversion. Aimer les V8 dans un monde de vélo, aimer le tuning, la pratique des voitures modifiés, vouloir transformer l’échappement de sa Jaguar quand Paris se rêve en Tesla électrique, voilà qui crée un véritable antagonisme : deux France qui se doublent sur les routes — enfin c’est Éric qui double puisqu’il est en Jaguar Type R — et ne se parlent plus.
Comme le disait Bourdieu, le tuning est un loisir classé et classant, avec une place de plus en plus restreinte pour ceux qui aiment les V8 dans un univers de pistes cyclables. C’est cela appartenir à une culture dominée, participer non pas à la lutte des classes, mais à la lutte des loisirs classés, non plus à la lutte des classes mais à la lutte des places pour garer sa voiture tunée.
L'équipe
- Production
- Réalisation