

Je vais répondre en un mot, en trois phrases puis avec un exemple.
Est-il important que l’ogre Epstein soit juif ? La réponse est non. Aucun lien ne peut être fait entre la culture, la religion, la cuisine juive, enfin tout ce que vous voudrez et les crimes dont cet homme était accusé. Dans ce cas d’espèce, le signifiant juif ne signifie rien, sauf s’il s’agit de diffuser un préjugé ou un stéréotype antisémite, en l’occurrence, les juifs sont des monstres.
Un choix iconographique pernicieux
Mais si je vous en parle, c’est à cause de mon billet d’hier. J’évoquais un choix de photo effectué par le Journal du Dimanche pour illustrer un article consacré à Jean-Louis Brunel, complice d’Epstein, accusé notamment de « traite d’êtres humains ». Et je m’étonnais que le JDD ait choisi pour illustrer cet article une photo de Brunel arborant une casquette de l’armée israélienne, Brunel ne sert pas dans Tsahal, il n’y a donc aucune raison de le présenter ainsi, il existe d’autres photos de ce type.
Or figurez-vous qu’un auditeur m’a signalé que Brunel n’était pas le vrai nom de Brunel, que celui-ci portait en réalité un patronyme juif, « Benchamoul », quelque chose comme cela. Dans ce cas, le choix iconographique est parfaitement pernicieux puisqu’il consiste à dire de manière subliminale, cet homme que voici est juif, mais comme je ne peux pas vous le dire, je le suggère par un petit détail que les initiés apprécieront à sa juste valeur. Alors j’ai tenté de vérifier que Brunel était un pseudo, que son nom véritable était à consonance juive. Et je n’ai rien trouvé, ou plus exactement, je n’ai rien trouvé de véritablement sourcé.
"Et puis j’ai eu honte..."
Et puis j’ai eu honte, je me suis rendu compte que je me livrais au même sport que tous ces internautes qui traquent les juifs sur internet se demandant si Enrico Macias, Donald Trump ou le Pape est juif. Mais justement, sur toute une série de sites conspirationnistes et / ou antisémites, chez des auteurs spécialisés dans ce genre de littérature, Jean-Louis Brunel est présenté comme juif. Or le fait que Brunel soit juif n’est en rien explicatif de ses actes, sauf bien sûr, si l’on adhère à une explication antisémite de ses actes. Et c’est là où l’affaire devient singulière. Car de quoi Brunel est-il accusé ? De traite d’êtres humains… Exactement cette rumeur qui était diffusée à Orléans, en 1969, qui accusait les commerçants juifs de faire disparaitre les jeunes filles dans les cabines d’essayage pour les prostituer dans des contrées lointaines. Dans le cas d’Orléans, il s’agissait d’une rumeur sans fondement, comme l’avait étudié alors Edgar Morin. Dans le cas de Brunel, il en va évidemment tout autrement, mais justement : l’association entre juifs et pédocriminels est comme réactivée, comme si Brunel était encore plus coupable parce qu’en réalité derrière le patronyme innocent se terrait un juif. Eh bien je ne vois pas de meilleure illustration d’un stéréotype antisémite.
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