C’est une triste nouvelle, le second frère Bogdanov s’est donc éteint hier, et, au delà de la tristesse de voir disparaître ces deux personnages familiers, cette triste nouvelle ne surprend pas.
Cette triste nouvelle ne surprend pas, comme si la mort de l’un devait nécessairement s’accompagner de celle de l’autre, Igor ne pouvant exister sans Grichka, les deux ne faisant qu’un dans un personnage étrange et fascinant que les plus âgés ont vu se transformer et muter, car l’humanité toute entière vieillit, tout le monde prend de l'âge sauf Grichka et Igor, personnage unique et double qui ne vieillissait pas mais se modifiait.
Il existe de nombreux exemples de femmes et d’hommes ayant fait de leur corps une œuvre, d’Orlan à Schwarzenegger, de Cimino à Thierry Mugler, mais chacune de ces créature agissait seule, alors que les Bogdanov, par naissance, et même par essence, étaient deux. Créateurs de leur propre personnage, inventant leur réalité, ils ont imposé un personnage étoffant le mythe de la gémellité, le faisant entrer de plein pied dans la science-fiction, estompant la frontière entre le réel et l’imaginaire, la description et la caricature.
Il existe peu de personnages de jumeaux dans la littérature, aucun je crois dans la mythologie, exception notable les frères Tarteton Brent et Stuart chez Scarlett O'hara… Pourquoi si peu de jumeaux ? Parce que la gémellité nourrit l’imaginaire de la science fiction et du fantastique, les jumeaux de Faux Semblants chez Cronenberg, archanges maléfiques de la chirurgie destructrice, ou bien encore les jumeaux royaux, Leto et Ghanima, dans le Cycle de Dune, jumeaux menacés par l’Abomination que les Bogdanov avaient su si bien apprivoiser.
Des Bogdanov incarnant la science, alors même que leur corps la défiait, inventant à coup de techniques inavouables leur évolution, jusqu’à cette étrange et triste sortie de scène, devenant à leur corps défendant un objet de controverse entre pro et antivax, puisque l’on a appris qu’aucun des deux n’était vacciné. Je dis aucun des deux mais la chose va de soi, puisque l’un était l’autre, et c’est cela la dimension fascinante de ces personnages, comme si un commun déterminisme façonnait l’un et l’autre dans la vie comme dans la mort; comme si cet individu étrange formé par Igor et Grichka existait à la fois sous une forme double et unique.
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