Yevgeny Prigozhin, chef des mercenaires Wagner, diable postmoderne 

Yevgeny Prigozhin, oligarque proche du président Poutine, surnommé le « cuisinier de Poutine », au Forum International Economique en 2016.
Yevgeny Prigozhin, oligarque proche du président Poutine, surnommé le « cuisinier de Poutine », au Forum International Economique en 2016. ©Getty - Mikhail Svetlov
Yevgeny Prigozhin, oligarque proche du président Poutine, surnommé le « cuisinier de Poutine », au Forum International Economique en 2016. ©Getty - Mikhail Svetlov
Yevgeny Prigozhin, oligarque proche du président Poutine, surnommé le « cuisinier de Poutine », au Forum International Economique en 2016. ©Getty - Mikhail Svetlov
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Satan doté d’une boite mail, c’est cela le visage du Mal postmoderne : voila le Mal incarné désormais au sein d’une organisation, et cette organisation s’appelle Wagner, son chef a pour nom Prigozhin.

Le Financial Times a consacré une enquête à ce groupe de mercenaire qui est aujourd’hui à la manœuvre en Ukraine et représente désormais l’essentiel de l’art opératif russe, et cette enquête nous rappelle que la première ruse du diable est de faire croire qu’il n’existe pas. Interrogé par mail, Prigozhin a répondu en une phrase d’une telle vulgarité que je vais me dispenser de vous la dire à cette heure si matinale.

Pendant des années, Prigozhin a nié l’existence de Wagner, une entreprise qu’il ne pouvait pas diriger puisqu’elle n’existait pas. Mais pour le nier, il a eu recours à l’un des plus grands cabinets d’avocats londoniens, et c’est cela la postmodernité : l’alliance de la pire sauvagerie médiévale – je demande pardon au Moyen-Age - et du juridisme le plus évolué. D’un côté, Wagner pille, viole, et torture (Wagner met en scène le massacre d’un homme, un film destiné à prouver que Prigozhin est capable de donner des leçons à l’enfer). De l’autre, il évolue dans le monde le plus feutré des restaurants de luxe et des cabinets d’affaires. C’est l’alliance absolument improbable de Daesh et de Bernard Arnault.

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Dans les années 1990, Prigozhin est une petite frappe qui vivote à Saint-Petersbourg, il vend des hot-dogs dans la rue, quand il ne se livre pas à quelques braquages violents. C’est la matrice de son action, il continuera dans l’alimentaire, entre livraisons de nourriture à l’Afrique et réseau de restaurants de luxe en Russie, tandis qu’en matière de violence, il assouvira ses projets les plus fous via Wagner.

Avec la guerre d’Ukraine, le diable change de stratégie : il ne s’agit plus de nier l’existence de Wagner mais au contraire de faire de cette marque l’emblème du mal – Wagner comme un cauchemar de Woody Allen, lui qui disait « Quand j’entends du Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne ». Le diable a désormais un grand bureau au Kremlin, d’ailleurs, on ne sait plus s’il est l’associé ou le rival de Poutine. Mais pour la première fois depuis que le monde est monde, le diable a un bureau et une adresse email.