Le puzzle Kanapa

Jean Kanapa, intellectuel et dirigeant communiste, lors d'une conférence de presse le 15 avril 1977 à Paris.
Jean Kanapa, intellectuel et dirigeant communiste, lors d'une conférence de presse le 15 avril 1977 à Paris. ©Getty - Laurent MAOUS/Gamma-Rapho
Jean Kanapa, intellectuel et dirigeant communiste, lors d'une conférence de presse le 15 avril 1977 à Paris. ©Getty - Laurent MAOUS/Gamma-Rapho
Jean Kanapa, intellectuel et dirigeant communiste, lors d'une conférence de presse le 15 avril 1977 à Paris. ©Getty - Laurent MAOUS/Gamma-Rapho
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Il incarne ce que l’on peut faire de pire dans l’extrémisme, la radicalité, la mauvaise foi apocalyptique… Je parle de Jean Kanapa, et dites-vous bien que si vous ne le connaissez pas, ce n’est que justice.

Cet homme a tout fait pour mériter d’être oublié, même si, en tant qu’incarnation de l’intellectuel sectaire et du politique venimeux il a encore tant à nous apprendre. Jean Kanapa, né en 1921 et mort en 1978 n’était pas un communiste, il était stalinien, mais plus stalinien que Staline – et si vous voulez connaître cette vie faite d’attaques, de polémiques, de clash et de buzz, comme on dit aujourd’hui, vous pouvez lire la biographie que lui consacre Gérard Streiff, Le puzzle Kanapa aux éditions La Déviation, rien que ce nom, Kanapa aurait adoré. 

Biographiquement, le trajet de Kanapa était fascinant : fils de banquier, juif, Kanapa a mis toute son énergie à tenter de faire oublier qu’il était juif et fils de banquier pour devenir l’intellectuel organique du parti communiste. Lui, l’enfant de l’élite cosmopolite, il se devait de passer pour le plus français des ouvriers de Billancourt, juif il devait accepter sans ciller l’antisémitisme des staliniens en plein procès des blouses blanches. 

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Avec constance, Jean Kanapa prit la parole et la plume pour être le sniper du parti communiste français, il débitait les pires monstruosités en faisant semblant d’y croire. Comme le disait Edgar Morin lorsqu’il quitta le PCF : « Kanapa était devenu le symbole même du mal que nous dénoncions. Le kanapisme, poursuivait Morin, était une excroissance tératologique au sein de l’intelligentsia ». 

Conservateur des infinis visages du mensonge, couvrant toutes les turpitudes des staliniens, érigeant mauvaise foi et fausse conscience en art de vivre, Kanapa s’en prenait sans relâche aux intellectuels de gauche, et notamment à Sartre. Il tacle à tout va, traite les uns d’intellectuel flic, les autres de hyène dactylographe. Sartre lui répond, « il faut plus d’une hirondelle pour ramener le printemps, plus d’un Kanapa pour déshonorer le parti ». Et Sartre de lâcher : le « seul crétin, c’est Kanapa ». Plus de trente ans plus tard, Libération,à sa mort annonce la nouvelle avec ces mots « la mort d’un crétin ». Oui mais voilà, Libération et Sartre avaient tort, Kanapa n’était pas un crétin, et de toute façon, les crétins ne meurent jamais.