

Un beau portrait d’Arnaud Dubus est paru hier dans « Le Monde ». Ce grand journaliste spécialiste de la Thaïlande s’est tué le 29 avril dernier, il avait 56 ans.
Je connaissais le travail d’Arnaud Dubus, mais je ne connaissais pas l’homme. Tout ce que je sais sur lui provient des portraits qui lui sont consacrés, que j’ai pu lire depuis sa disparition. Mais la figure de cet homme m’obsède, à un moment où l’on évoque les suicides de policier, des suicides de salariés de France Télécom (cela va même être le thème de la matinale aujourd’hui), je me demande ce qui peut pousser un journaliste à se tuer. Il faut être infiniment humble par rapport à cette décision ultime. L’article du « Monde » évoque un journaliste tirant le diable par la queue, parvenant à grand peine à vendre, je cite, des articles nuancés sur l’Orient compliqué. Arnaud Dubus, explique « Le Monde », en aurait conçu une certaine amertume, laquelle l’aurait conduit au mitan de la cinquantaine à arrêter le journalisme. J’imagine à quel point les transformations du métier de journaliste, ses involutions faudrait-il dire, donnent parfois l’impression de travailler dans un vidéo club, vous savez ces magasins qui existaient jadis et qui louaient des cassettes vidéos aux possesseurs de magnétoscope. Impossible, je crois, d’être journaliste aujourd’hui sans se dire que quelque chose de ce métier est en train de disparaitre, décomposé par internet, le buzz et les idées toujours plus simples appliqués à un monde toujours plus compliqué. Nombre de journalistes luttent avec leur démon, la bouteille, la poudre, autre chose, c’est même probablement ce qui les a incités à choisir cette profession, comme si un monde intérieur trop agité les incitait à porter leur regard vers l’extérieur, comme si l’actualité était une manière d’échapper à une intériorité trop grave ou trop oppressante. Je ne sais évidemment pas ce qui a pu conduire Arnaud Dubus à se donner la mort, mais je songe à tous ces journalistes que j’ai lus ou connus qui ont frayé avec la mort - Charb disant qu’il fallait mieux mourir debout plutôt que de vivre à genou, Robert Capa expliquant que si la photo était ratée, c’est qu’elle n’avait pas été prise d’assez près. S’occuper de la mort des autres est une bonne manière de moins penser à la sienne, la mort est un royaume aussi énigmatique que le royaume thaïlandais, qu’affectionnait tant Arnaud Dubus.
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