La malédiction de la Vème République veut que le favori désigné par les sondages à un an des présidentielles soit battu. Si les sondages se trompent régulièrement, ils ont parfois raison - pis, ils déterminent bien souvent le résultat des élections.
Vous vous souvenez de la réélection de VGE en 1981 ? Mais oui, une réélection à 61 %... Et la victoire d’Edouard Balladur à 57 % des voix, en 1995, elle vous a marqué ? Peut être moins que le bon score de Lionel Jospin au second tour de l’élection présidentielle de 2002, sensiblement plus élevé que celui de Ségolène Royal, pourtant devant Nicolas Sarkozy ?
Oui, alors évidemment vous ne vous souvenez pas de ces résultats, puisque ce sont les scénarios inverses qui se sont réalisés. Giscard n’a pas été réélu, Balladur a été battu, quant à Jospin et Royal, ils n’ont pas remporté l’élection présidentielle. Et pourtant, les sondages donnaient ces quatre là vainqueur à un an de l’élection, c’est ce que rappelle opportunément Le Figaro de ce matin, dans une analyse comparative des sondages douze mois avant le vote.
Pour corser le tout, les sondages se trompent souvent mais pas toujours. Ils avaient bien prévu la réélection du général de Gaulle, celle de Mitterrand ou la défaite de Nicolas Sarkozy. A cette critique récurrente, les sondeurs rétorquent que les sondages ne sont qu’une photographie de l’opinion à une période donnée, en l’occurrence douze mois avant le vote. Alors en douze mois, les choses peuvent évoluer, et bien souvent elles évoluent. Tout cela se défendrait, si dans le même temps, les sondages ne contribuaient pas à fabriquer l’opinion.
Oui, les sondages sont peut-être une photographie, mais une photographie qui agit sur le photographié, et c’est cela qui est problématique. Pis encore, elle crée le personnage photographié, en figeant à un instant donné des opinions hétérogènes, des intentions de vote, des gens qui découvrent les candidats potentiels, en somme les sondages informent au sens où ils font prendre forme. Voila pourquoi le sociologue Pierre Bourdieu expliquait qu’en dehors des sondages « l’opinion publique n’existe pas ». Ce serait bien que l’opinion publique en soit enfin convaincue.
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