Le troc Poutine

Vladimir Poutine à Manezhnaya Square le 18 mars 2018
Vladimir Poutine à Manezhnaya Square le 18 mars 2018 ©Getty - Mikhail Svetlov
Vladimir Poutine à Manezhnaya Square le 18 mars 2018 ©Getty - Mikhail Svetlov
Vladimir Poutine à Manezhnaya Square le 18 mars 2018 ©Getty - Mikhail Svetlov
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La fraude n’explique pas tout : n’explique pas la réélection de Vladimir Poutine, autrement dit l’adhésion à sa politique.

Avec
  • Guillaume Erner Docteur en sociologie et producteur des Matins de France Culture

Avec Poutine, nous sommes passés de Kafka à Václav Havel …

Oui, le communisme stalinien, c’était Kafka. Le Kafka du procès ou celui de la colonie pénitentiaire : un monde au mieux absurde au pire effrayant, un monde qui s’est écroulé au profit de de ce que l’on croyait être la démocratie, et qui semble n’en être que le simulacre, comme en témoigne la réélection de Vladimir Poutine avec plus de 75 % des voix, des fraudes électorales, mais surtout un adversaire seul concurrent sérieux empêché de se présenter.

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Mais la fraude n’explique pas tout, n’explique pas la réélection de Vladimir Poutine, autrement dit l’adhésion à sa politique. Et celui qui l’explique le mieux, et bien c’est probablement Václav Havel, premier président de la Tchécoslovaquie, qui était un homme de théâtre, une sorte de Mandela de la Mitteleuropa. Havel avait parfaitement compris que le post totalitarisme était, je le cite : « la rencontre historique de la dictature et de la société de consommation ». 

Et cette société de consommation proposait un troc aux individus. Un troc accepté par 75 % de la population russe : abdiquer son honneur personnel en faveur de l’honneur collectif de la nation, accepter la servitude volontaire en imaginant que cette servitude permet à la Russie de recouvrer sa grandeur. 

Havel l’avait expliqué au travers d’une métaphore, l’histoire du marchand de quatre saisons. Je vais vous la raconter… C’est l’histoire d’un marchand de quatre saisons qui a écrit sur sa devanture non pas « promotion sur les pommes », mais « prolétaires de tous les pays unissez-vous ». 

« Et pourquoi exhibe-t-il ce slogan », demande Havel ? Pas du tout parce qu’il pense devoir participer à l’union de tous les prolétaires, cela en réalité, il s’en moque. Le seul souhait du marchand de quatre saisons, c’est d’avoir la paix, et pour cela il est prêt à tout. Par exemple, dire son amour de Brejnev, faire semblant de lire la Pravda ou voter Poutine. 

Mais s’il écrivait sur la devanture de son magasin « je suis un lâche je soutiens inconditionnellement le régime », quoi qu’il fasse, ce slogan ferait désordre. Alors il le traduit en terme socialement acceptable : « prolétaire unissez-vous ». Eh bien hier, les marchands de quatre saisons ont réélu Vladimir Poutine.