Les bobos

Un groupe d'amis
Un groupe d'amis ©Getty - Hinterhaus Productions
Un groupe d'amis ©Getty - Hinterhaus Productions
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Depuis quand le libéralisme en matière de mœurs serait l'apanage des bourgeois ?

Avec
  • Guillaume Erner Docteur en sociologie et producteur des Matins de France Culture

Il faut écouter le peuple…

Oui, parce que le peuple veut des choses et en refuse d’autres. Enfin c’est comme cela qu’on le présente, par exemple sur l’immigration. Le problème, c’est que personne ne sait ce qu’est le peuple, une sorte de créature mythique, envers exact d’une autre créature mythique : le bobo. 

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Et c’est ainsi que se structurent les débats politiques aujourd’hui : le bobo vs le peuple, le bobo étant une créature hors-sol, voulant abolir les frontières, militant immigrationniste – c’est comme cela qu’on dit – doté d’un régime alimentaire pathologique à base de tofu et de sans gluten. 

Bref, si la France a mal, c’est à cause des bobos… Derrière cette rhétorique se trouve un double mensonge. D'une part, rien ne permet d'opposer le peuple au bobo. Depuis quand le libéralisme en matière de mœurs serait l'apanage des bourgeois ? Personne n'a encore osé affirmer qu'au sein des manifestations hostiles au mariage gay se trouvaient de nombreux prolos. 

Quant aux immigrés protégés par les bobos, qui sont-ils sinon un pan nouveau du prolétariat ? Mais il y a un autre mensonge sous-jacent. L'idée selon laquelle les bobos seraient coupés de la réalité, en somme que les politiques s'imposeraient en raison du bon sens populaire, contre les fantasmes de ces fausses élites. 

Une vraie erreur logique, comme s'il existait un «  réel  » devant lequel s'incliner, un réel fait de clochers d'église, de familles hétérosexuelles, et de petits enfants blonds. Comme si ce réel-là, en somme, n'était pas un mythe supplémentaire destiné à justifier toute politique dure vis-à-vis des migrants, à la fataliser.

Inutile en effet d'avoir des vestes en coton bio et de mâcher du quinoa pour penser que laisser des familles dériver sur des rafiots, au milieu de la mer Méditerranée, est une idée moralement critiquable et politiquement tragique. Parfois, les bobos ont raison, et tant pis si ça fait mal.