

Profitons-en pour ne pas oublier le Yémen…
L’assassinat de Jamal Khashoggi montre la véritable nature de l’Arabie Saoudite à tous ceux qui pensaient que le régime était en train de se démocratiser que ce n’est pas exactement le cas, et il rappelle que s’il est légitime de critiquer les journalistes, il est dangereux de leur taper dessus au propre comme au figuré.
Donc aujourd’hui les gouvernements du monde entier prennent leurs distances avec Ryad, eh bien on aurait aimé qu’ils le fassent il y a trois ans. Car cela fait trois ans exactement que l’Arabie Saoudite a transformé l’un des pays les plus pauvres du monde, le Yémen, en enfer absolu.
Et hasard du calendrier, la mort de Jamal Khashoggi correspond à l’anniversaire de l’intervention saoudienne – la guerre au Yémen a débuté en juillet 2014 en opposant les loyalistes aux Houthis, des chiites hostiles au gouvernement central. Cette guerre civile s’est transformée en conflit par procuration, permettant à l’Arabie Saoudite et à l’Iran de s’affronter à l’extérieur de leurs frontières, avec un bilan humanitaire absolument terrifiant.
Jusqu’ici la guerre a fait environ 10 000 morts et à peu près autant de blessés, je dis environ parce qu’il n’existe pas de bilan fiable, mais aux victimes directes de la guerre il faut ajouter les victimes indirectes, et là le bilan est plus terrible encore. Car on peut dire aujourd’hui que les ¾ de la population du Yémen, 28 millions de personne, les ¾ du Yémen dépendent de l’aide alimentaire.
Et au lieu d’apporter des vivres à la population civile, l’Arabie Saoudite déverse des bombes sur ce pays, le Yémen a été frappé par 18 000 raids aériens depuis le début de la guerre. Au moment où je vous parle, l’enjeu majeur est le port d’Al Hudaydah — Al Hudaydah cela ne vous dit probablement rien, c’est le nom d’un port en face de l’Erythrée — et, par ce port, transite la quasi-totalité de l’aide humanitaire destiné aux Yéménites.
Alors puisque le monde s’émeut à juste titre de la mort de Jamal Khashoggi, pourquoi ne pas profiter de cette émotion internationale pour demander aux Saoudiens d’arrêter de bombarder Al Hudaydah. Parce que finalement la meilleur façon de rendre hommage aux journalistes morts pour la liberté d’expression, c’est d’utiliser cette liberté d’expression pour rappeler, par exemple, que le régime saoudien n’a pas un mort sur sa conscience mais des dizaines de milliers.
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