

Peut-être, mais si l’on réussissait à faire une synthèse entre islamophobes et islamo-gauchistes, comment occuperait-on nos longues soirées d’automne ?
Imaginez un peu : on parvient à mettre les deux camps d’accord, Twitter serait alors employé pour commenter le temps qu’il fait, puisqu’aujourd’hui l’affrontement entre islamophobes et islamo-gauchistes occupe a peu près toute la bande passante des réseaux sociaux.
En voilà un débat qui est passionnant, islamophobes contre islamo-gauchistes, je veux dire islamophobes supposés contre islamo-gauchistes taxés. Sur le fond du débat, cela ne vaut pas un clou, puisque ce débat est généralement purement polémique, mais pour la forme, c’est passionnant. Ce qu’il y a de prodigieux dans ce débat c’est son absolue inutilité. Rien, définitivement rien, n’est fait pour convaincre qui que ce soit.
C’est là un trait d’époque : les commentateurs commentent, mais aucun ne commente pour convaincre, plus rien dans la rhétorique actuelle ne peut emporter l’adhésion d’une personne qui ne serait pas préalablement convaincue par la position en question. En bref, l’idée n’est pas de convertir mais de renforcer. Chaque camp se durcit, et les réseaux sociaux à grand renforts de hashtag sont en réalité un lieu où l’on durcit le dur.
Alors à première vue cela n’est pas nouveau, la période de la guerre froide a été emplie de débat entre hyènes dactylographes et révisionnistes liquidateurs, et bien entendu on peut douter qu’à cette période une seule hyène dactylographe en entendant ces échanges d’amabilités se dise « bon sang mais c’est bien sûr, je vais me convertir au révisionnisme liquidateur ». Aujourd’hui, c’est la même chose mais en temps réel, tout le temps, avec j’imagine bien peu d’islamophobes décidant de devenir islamo-gauchistes.
Avec les réseaux sociaux, voici enfin la possibilité pour chacun d’entre nous de devenir un sectaire désespéré, je dis désespéré parce que lorsque l’on en est réduit à l’anathème c’est qu’au fond de soi-même on a abandonné tout espoir de convaincre. Et c’est cela le plus étonnant dans cette période de retour du religieux, plus personne au fond n’est véritablement prosélyte.
L'équipe
- Production
- Réalisation