

Gary a tout été, puissant et impuissant, riche et misérable, juif comme une synagogue et goy comme Notre-Dame, courant après les femmes, et dominé par le démon des femmes, clochard céleste et se délectant des honneurs qu’il pouvait recevoir.
Oui, un vrai problème pour tous ceux qui pensent que le papier bible dont est fait la pléiade, ce n’est effectivement pas ce que l’on fait de plus pratique à lire. Mais pour le reste quelle bonne nouvelle ! D’abord c’est un démenti de plus pour tous ceux qui depuis des plombes luttent pour ghettoïser la littérature, entre la littérature savante fréquentable et souvent, sinon illisible du moins lu par peu de monde, et ceux qui aiment la littérature tout court. Finalement, les romanciers du XXe siècle qu’on lit au XXIe sont ceux que l’université a bien souvent rejetés, Camus, Simenon ou Gary dans des genres et des horizons très différents, tandis que d’autres, que par charité matinale je ne citerai pas, se retrouvent abandonnés chez les bouquinistes.
Et pour le reste, Gary c’est un autre formidable pied de nez à tous ceux qui pensent que l’identité est une et assignée une fois pour toute. Car dans sa vie, et sous sa plume, Gary a tout été, puissant et impuissant, riche et misérable, juif comme une synagogue et goy comme Notre-Dame, courant après les femmes, et dominé par le démon des femmes, clochard céleste et se délectant des honneurs qu’il pouvait recevoir. L’histoire de Romain Gary est connue, chacun sait qu’il s’agit d’un homme qui aimait par-dessus tout les pseudonymes, épuiser les identités les unes après les autres. Romain Gary, le seul écrivain que l’on trouve affublé sur wikipedia du métier d’aviateur, et dieu sait si Malraux a essayé de voler sa vie durant. Le seul écrivain aussi, à avoir eu deux fois le prix Goncourt, une fois sous le nom de Gary, l’autre fois sous le pseudo d’Ajar. Roman Gary alias Emile Ajar, Shatan Bogat, Fosco Sinibaldi, Romain Gary qui n’est évidemment pas né Romain Gary mais roman Kacew. Oui mais voilà Kacew en yiddish litvak, je traduis pour les vivants la langue des morts, ça veut dire boucher et un écrivain ne peut pas être un boucher. Alors que Gary en russe cela veut dire briller, et puis Gary c’est aussi Gary Cooper. Gary a joué mille rôles dans sa vie, aviateur, résistan,t compagnon de la libération, diplomate, scénariste, romancier, mégalo et humble, Gary qui disait « Qu'est-ce donc que l'amour sinon une œuvre d'imagination ? », voilà pourquoi il n’a jamais cessé d’aimer.
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