« Une vie donnée n’est pas une vie perdue »

Hommage aux soldats tués au Burkina Faso dans la cour des Invalides le 14 mai 2019.
Hommage aux soldats tués au Burkina Faso dans la cour des Invalides le 14 mai 2019. ©AFP - Christophe PETIT TESSON / POOL
Hommage aux soldats tués au Burkina Faso dans la cour des Invalides le 14 mai 2019. ©AFP - Christophe PETIT TESSON / POOL
Hommage aux soldats tués au Burkina Faso dans la cour des Invalides le 14 mai 2019. ©AFP - Christophe PETIT TESSON / POOL
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C’est cette phrase que l’on retient ce matin, une phrase prononcée hier par le président de la république lors de l’hommage aux deux soldats tués en libérant les otages du Burkina Faso.

Cette phrase « Une vie donnée n’est pas une vie perdue » est aujourd’hui dans toutes les têtes, parce qu’elle rejoint les raisons pour lesquelles paradoxalement, l’armée est à nouveau si populaire en France. 90 % des français ont une bonne opinion de l’armée, je dis paradoxalement parce que cette bonne opinion tranche avec les années de pacifisme où les fana mili étaient minoritaires, avec une période où l’armée, entre la défaite de 1939 et les guerres de décolonisation, était rien moins que sympathique. 

Alors, pourquoi ce regain ? Eh bien en raison d’un paradoxe, finalement assez bien résumé par la phrase d’Emmanuel Macron : l’armée incarne aujourd’hui une forme de gratuité dans une société qui se pense comme malade de l’argent. L’armée incarne finalement une forme de résistance vis-à-vis de relations monétaires qui viendraient flétrir l’existence humaine, les militaires constituent désormais une alternative à cette société marchande, en proposant le don de soi, donner sa vie pour autrui. 

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Donner sa vie comme un antidote au règne de la marchandise, voilà pourtant quelque chose qui ne va pas de soi. Si l’on songe, par exemple à ce que disait le sociologue Georg Simmel dans l’un de ses livres principaux, La philosophie de l’argent. Pour Simmel, l’argent est né justement pour compenser la perte d’une vie humaine. Il existe d’ailleurs, selon lui, une étymologie commune au verbe tuer — « to kill » en anglais — et à l’argent, les différentes monnaies. Le sociologue évoque encore ce que l’on appelle le « Wergeld », en allemand, la somme d’argent versée lorsque quelqu’un a été tué, une somme proportionnelle, jadis, à l’importance sociale de la personne tuée. Or Simmel explique que l’une des conséquences du christianisme est précisément de considérer que la vie humaine quelle que soit la vie, celle d’une personne importante ou pas, n’a pas de prix et ne peut donc pas être compensée par une somme d’argent. 

D’où l’idée que donner sa vie est le don suprême, donner sa vie non pas pour un être cher mais pour la communauté nationale, la vie comme valeur, valeur suprême, à telle enseigne qu’elle ne peut être compensée par de l’argent. 

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