« Voilà le gouvernement que j'attendais... »

France Culture
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C'est ce que doit tweeter à voix haute le courtisan 2.0, le courtisan des réseaux sociaux.

Tout cela me fait penser à mon ami Guy. Cet ami cher a quitté la France le 11 mai 1981. Et pourquoi l’a-t-il quittée le lendemain de l’élection de Mitterrand ? Non pas parce qu’il était à droite, mais parce qu’il était à gauche. Mon ami Guy ne redoutait pas que Mitterrand ne soit pas assez à gauche, non, juste il ne voulait pas assister à cela, à la lutte des places qui succèderait à la lutte des classes. Guy a quitté la France pour ne pas voir ses amis se disputer les charges et les prébendes, et à chaque changement de gouvernement je me dis que la courtisanerie française a de beaux restes.

A titre personnel, je regrette la disparition de Saint-Simon, Chamfort et la Rochefoucauld, ces observateurs du grand siècle, parce ces amateurs d’aphorisme auraient adoré les tweets formulés par les courtisans d’aujourd’hui. Un système pyramidal qui permet de devenir ministre lorsque l’on se félicite du choix d’un président et sous-ministre lorsque l’on se félicite du choix d’un ministre.

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La courtisanerie démocratique n’a pas besoin de Saint-Simon parce qu’il en existe des centaines en 140 caractères, lesquels peuvent nous rappeler que les flatteurs et les flattés survivent à tous les systèmes. Il se pourrait bien qu’au cours des époques démocratiques on ne sache plus admirer mais on sait encore lécher, selon la fameuse trilogie de Jean-François Kahn, « on lèche, on lâche, on lynche ». « L'état de courtisan est un métier dont on a voulu faire une science » écrivait Chamfort, et bien la science du courtisan mériterait son Nobel.

Et j’imagine juste à quel point le métier de courtisan est difficile à l’heure de tweeter, se féliciter et féliciter l’immense personnage devenu gouvernant et devoir faire tenir l’immensité de ses qualités en 140 vils caractères.

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