Alors que l'application de traçage StopCovid entrera en vigueur le 2 juin, quelle place pour l'intelligence artificielle dans la lutte contre l'épidémie de coronavirus ? Nous en discutons avec la docteure en sciences et entrepreneuse spécialiste des algorithmes, Aurélie Jean.
- Aurélie Jean Docteure en sciences et entrepreneure, spécialiste des algorithmes
L’application StopCovid a été validée par le Parlement mercredi après avoir été approuvée par la CNIL, et devrait donc être lancée sur les smartphones afin d'accompagner la 2e phase du déconfinement le 2 juin. Cet outil de traçage numérique, qui fonctionnera par bluetooth et n'utilisera pas la géolocalisation, alertera ses utilisateurs, volontaires, s’ils se sont trouvés à moins d'un mètre, et pendant au moins quinze minutes, d'une personne contaminée par le coronavirus.
Depuis le mois d’avril, StopCovid suscite une intense polémique, tant sur la protection de la vie privée que sur les libertés individuelles. Le Premier ministre a voulu mettre fin aux inquiétudes lors de son allocution avant-hier, nous revenons sur ces débats parfois à fronts renversés ce matin, mais aussi sur ce qui distingue cette application de traçage du « tracking », les data des algorithmes, sur le rôle de l’intelligence artificielle dans la lutte contre la pandémie et sur l’image de la science aujourd’hui. Petit éloge de la méthode scientifique et de l’esprit critique…
StopCovid est un sujet qui concerne la data et non les algorithmes. Ici, les datas qui sont manipulées ne vont pas être rentrées dans un algorithme pour qu'en sorte une prédiction ou une analyse. L'algorithme, lui, est destiné à donner un élément prédictif, une analyse. Là, c'est vraiment un sujet plus simple, où les "id" sont échangées entre les individus qui se trouvent à proximité les uns des autres, via le bluetooth.
Il y a un rejet épidermique ou une réaction de fantasme envers les algorithmes. En général, nous avons peur de ce que nous ne comprenons pas. Les derniers scandales autour des datas et des algorithmes ont porté les gens à se méfier de ces entités mathématiques, sans comprendre comment elles fonctionnent. Il est vrai, aussi, que les gens qui les développent ne sont pas toujours dans la transparence et ne cherchent pas à expliquer le fonctionnement des algorithmes.
On apprend toute sa vie. Il s'agit de comprendre comment on apprend. La méthode scientifique a une forte valeur ajoutée car elle utilise les quatre piliers fondamentaux de l'analyse et permet de développer son esprit critique. Il s'agit d'observer, d'expérimenter, de faire usage d'une certaine théorie et, enfin, de raisonner. Même si cela s'appelle la méthode scientifique, elle peut s'appliquer dans tous les domaines.
Le choix musical d'Aurélie Jean ♪♫
- What makes me think about you - Nicolas Godin
Pour aller plus loin :
- De l'autre côté du miroir, voyage d'une scientifique au pays des algorithmes, aux éditions de l'Observatoire.
- Le compte Twitter d'Aurélie Jean.
- L'apprentissage fait la force, un texte d'Aurélie Jean de la collection numérique " Et après" des Editions de l'Observatoire.
- L'interview de Cédric Villani dans le journal Le 1, cité dans l'émission.
Pour approfondir le débat sur l'application "StopCovid" :
- Traçage numérique : « Pour éviter une seconde crise sanitaire, il faut s’en donner les moyens », tribune parue dansLe Monde le 25/04/2020.
- « StopCovid est une application de notification, et rien d’autre! », chronique du Monde parue le 05/05/2020
- Coronavirus : « Substituons temporairement au terme “liberté” de notre devise française celui de “responsabilité” », tribune parue dans Le Monde le 27/04/2020
- Félix Tréguer: «Des technologies de surveillance se normalisent à l’aune de cette crise», interview parue dans Le Temps le 16/04/2020.
- « StopCovid est un projet désastreux piloté par des apprentis sorciers », tribune parue dans Le Monde le 25/04/2020.
- Le projet StopCovid doit être abandonné, une tribune publiée dans Libération le 27/04/2020.
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