Le regard et l'analyse de la philosophe Nadia Yala Kisukidi sur les questions de mémoire, d'anti-racisme et de post-colonialisme en France alors que la colère et l'indignation suscitées par les violences policières aux Etats-Unis, loin de se tarir, trouvent une résonance mondiale.
- Nadia Yala Kisukidi romancière, philosophe et maîtresse de conférences en philosophie à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis
Cette semaine a été marquée par des images de statues et de monuments abattus ou tagués de la Grande-Bretagne à la Belgique, signes d'une mémoire et d'un récit historique qui restent conflictuels. Aujourd’hui, des milliers de manifestants sont attendus pour une marche contre le racisme à l’initiative du comité pour Adama Traoré, un mouvement antiraciste divisé entre les anciens militants et une nouvelle vague plus "radicale" qui inquiète le gouvernement. Analyse et regard sur ce mouvement avec la professeure de philosophie Nadia Yala Kisukidi.
Y a-t-il eu un seul projet cosmopolitique né des ruines de la colonisation ? La France a-t-elle pu construire un rêve politique à partir de cette histoire ? Pas du tout. C'est ce dont témoigne l'ensemble de ce mouvement qui s'empare des questions coloniales : aucun discours politique et social digne de ce nom n'a été capable de prendre en charge les questions posées par l'héritage de la colonisation. Et les mots d'égalité ou de métissage sont retombés comme des poids morts, vidés de leur sens, comme s'ils ne pouvaient plus porter un discours commun et rassembler.
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Beaucoup de mouvements anti-racistes font l'effort de revenir sur les différents mouvements de lutte du passé et des ponts sont en train de se nouer. Nous ne sommes pas face à un mouvement éruptif qui ferait table rase de son passé. Je me méfie de ces tribunes qui expliquent que nous assistons à l'émergence d'un nouveau mouvement anti-raciste : ceux-là manquent singulièrement d'esprit historique. Nous sommes dans un pays où il y a plus de cinquante ans de lutte anti-raciste.
Décoloniser la philosophie, c'est cesser de croire qu'il existe de lieux où la philosophie éclot et d'autres lieux dans laquelle elle est réduite à une forme de sagesse ou de religieux. Il faut cesser de croise qu'il existe dans d'autres espaces du monde, hors du continent européen, des déserts de la pensée car ces déserts n'existent pas.
Le choix musical de Nadia Yala Kisukidi ♪♫
- Echoes - Leon Thomas
Pour aller plus loin :
- La page de Nadia Yala Kisukidi sur le site de l'Université Paris 8.
- Les articles signés Nadia Yala Kisukidi dans la revue Esprit.
- " Afrocentricités : Histoire, philosophie et pratiques sociales", numéro 52 de la revue Tumultes.
- Découvrir un extrait du spectacle "More more more... Future" de Faustin Linyekula, qui a inspiré à Nadia Yala Kisikudi le concept de "Laetitia Africana".
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