Mati Diop : "En Afrique, un mouvement de bascule s'opère"

Atlantique est un film sur l'océan et l'exil, sur une jeunesse qui part et autre qui reste. Sur l'éclosion aussi d'une jeune femme, Ada, dont le fiancé Souleiman décide d'embarquer pour l'Europe avec quelques-uns de ses amis et périt en mer. Il revient alors, comme ses compagnons, hanter la mémoire d'Ada et des femmes laissées derrière eux. 

Outre le Grand Prix du Festival de Cannes, le film a été récompensé cette semaine par le prix Cinéma des étudiants de France Culture. 

Le fait de recevoir ce prix de la part d'étudiants a pour moi une résonance toute particulière. Cela me ramène à la question de l'acte de transmission. Sans que ce soit nécessairement conscient, on transmet toujours une passion, une sensibilité, un imaginaire. Et c'est évident que je m'adresse à une certaine jeunesse. 

Je ne suis pas une initiée au monde occulte mais je pense tout de même avoir quelques clés. Ce rapport à l'invisible, à la mort, c'est quelque chose dont j'ai voulu faire l'expérience.  Le public occidental considère le film comme un film de genre mais, à Dakar, les spectateurs ne sont pas devant un film fantastique : ils sont devant leur réalité. 

Ce regard afro-pessimiste opère depuis des siècles et exerce un vrai pouvoir. J'ai l'impression qu'on se rapproche d'un mouvement de bascule. Un certain nombre d'acteurs, chacun dans leur champ, travaille à invalider le regard occidental qui enferme l'Afrique dans une perspective tragique. Cela fait partie du geste d'Atlantique. 

Pour aller plus loin : 

• "Tout un cinéma !" : une sélection de films issus de la Quinzaine des réalisateurs à visionner sur France TV. 
• Pour en savoir plus sur l'édition 2020 du prix France Culture Cinéma, c'est par ici. 
• " Peut-on envisager une Afrique sans catastrophe ?", l'article de Rokhaya Diallo cité dans l'émission à lire sur Slate.fr. 

La bande-annonce d'Atlantique :