

Fusion des instances représentatives, plafonnement des indemnités de licenciement, ou articulation entre la négociation d'entreprise et de branche : Edouard Philippe présentait mardi aux partenaires sociaux les bases d'une nouvelle réforme du droit du travail.
- Emmanuel Dockès professeur de droit à l’université de Lyon II, spécialiste du droit du travail.
- David Spector économiste, chercheur au CNRS, professeur associé à l’Ecole d’économie de Paris, auteur de « La gauche, la droite et le marché » ed. Odile Jacob, 2017.
Ce projet prévoit une concertation à l’agenda très précis qui démarre vendredi et donnera lieu à 48 réunions avec les partenaires sociaux, et à de nouvelles discussions jusqu’au début du mois de septembre. Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, cette réforme menée par ordonnances pourrait aboutir à leur publication dès la fin de l’été. Mais seulement un an après le débat sur la loi Travail et la promulgation de la loi El Khomri, quel nouveau changement doit-on attendre du code du travail ? Pour nous éclairer, nous recevons Emmanuel Dockès, juriste, professeur à l’université Paris Nanterre et auteur notamment d’un Proposition de code du travail publiée avec plusieurs universitaires en mars 2016 aux éditions Dalloz, et plus récemment de l’essai Voyage en misarchie paru aux éditions du Détour. En studio également, l’économiste David Spector, chercheur au CNRS, professeur associé à l’Ecole d’économie de Paris, mais aussi auteur dernièrement de La gauche, la droite et le marché ? paru chez Odile Jacob.
"Ce qui est à craindre est qu’il n’y ait aucune autonomie dans le débat, aucune personnalité propre"
Est-ce qu’on a plus besoin à l’Assemblée de citoyens pour faire des lois, par exemple tirés au sort, ou d’experts, de techniciens ?
Les deux sont absolument indispensables : des gens élus pour leur compétence propre et aussi des assemblées tirées au sort qui représenteraient vraiment les citoyens et auraient une véritable fonction de contre-pouvoir. Actuellement l’Assemblée est composée uniquement d’ élus, et quand ils sont seulement derrière une étiquette présidentielle cela casse la possibilité du débat. Ce qui est à craindre est qu’il n’y ait aucune autonomie dans le débat, aucune personnalité propre. David Spector
"Un esprit de réforme serait d’aller dans un contrôle moins anxiogène des licenciements pour les CDI"
Il y a un lien qui est souvent fait, à tort ou à raison, entre la flexibilité du marché du travail et la capacité d’une économie à gérer des emplois et à ne pas en détruire dans les périodes économiques compliquées. Est-ce que les réformes de Macron sont de nature à combattre le chômage français ?
Plus la question du licenciement pour les contrats à durée indéterminée (CDI) est complexe, plus cela incite les employeurs à recourir aux formes les plus précaires de travail : les contrats à durée déterminée (CDD). Un esprit de réforme qui pourrait susciter l' adhésion serait d’aller dans un contrôle moins anxiogène des licenciements pour les CDI, et en compensation faire de ces CDI la norme et des CDD des exceptions. Ce dernier point manque dans les réformes proposées. David Spector
Malheureusement cet espèce d’échange entre des CDI un peu plus flexibles et moins de CCD n’est pas du tout la direction dans laquelle le gouvernement est engagé, puisque ce qui est actuellement à l’étude c’est aussi la libéralisation du contrat de travail précaire. On a donc à la fois une flexibilisation des CDI mais ce n’est pas pour renforcer les salariés, c’est au contraire simultané d’une flexibilisation du travail précaire. Emmanuel Dockès
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Comment expliquer le niveau français de chômage ?
Si l’on regarde la composition de l’emploi par niveau de qualification, le chômage est très concentré dans la partie de la population la moins formée. Cela est lié au fait que le coût du salaire minimum pour les employeurs est encore relativement élevé par rapport au salaire médian, plus élevé qu’à l’étranger. Il y a beaucoup de convergences entre différentes études qui montrent que, lorsqu’on réduit le coût du travail au niveau du salaire minimum, cela a un effet important sur l’emploi des moins qualifiés, qui représentent une part importante des chômeurs en France. David Spector
Il faut faire attention à cette question du coût du travail, car si on baisse le coût du travail des moins qualifiés, comme cela a été fait en Allemagne ou en Angleterre, cela induirait probablement une baisse du salaire. Or en Allemagne et en Angleterre un quart des travailleurs sont sous le seuil de pauvreté. Alors qu'en France seulement 8% des travailleurs sont en dessous du seuil de pauvreté. Emmanuel Dockès
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